En aurai-je la force ? Ah voici une question qu'elle est bonne tant ce mot possède d'acceptions ! Peu de positives, des négatives, des plus ou moins entre les deux. Le vieux père Littré nous en a pondu quatre pages… ouch… et elles doivent être fort bien léchées car mon édition récente ne rajoute pas un brin de mise à jour. Le CNRTL lui consacre un article long comme un jour sans pain.

En force, avec force, à la force du poignet, avoir la force, collier ou camisole de force… brrrr…(une prison parisienne portait ce triste nom de La Force), être dans la force de l'âge, être au dessus de (ses) forces, force de travail mais aussi travail de force qui ne sont pas du pareil au même bien le rebours,  force d'âme, force de vente, force d'inertie ou autre phénomènes physiques quantifiables, cas de force majeure, la force des choses, par force, coup de force, épreuve de force, faire force de rames ou de voiles comme terme de marine, rentrer en force, force publique, force de frappe, de gré ou de force, force est de…, force de loi, être une force de la nature, les forces vives, à toute force, de toute sa force, à forces égales, tour de force, reprendre des forces ou les perdre, ne pas sentir sa force, les forces armées, céder à la force, faire force : il m'est force de… ou bien force m'est de…,  jambe de force en architecture, force motrice, force comme synonyme de pléthore ou de beaucoup, de vive force, par force forcée……

Pffff… j'en peux plus et j'en ai oublié très certainement.

Disons-le tout de suite manière de récréation, mes préférées sont : force centripète qu'est le contraire de centrifuge comme tout le monde sait ; il est bien plaisant ce centripète à prononcer, d'abord assez sérieux d'ample mouvement pour finir en petit pet mignon… ben oui, dans le sud on prononce toutes les lettres d'un mot, faut pas gâcher…… puis naturellement pour une sale bête comme moi : force d'inertie qui certes s'emploie en mécanique et ce n'est pas fait pour me fâcher la mécanique mais je pense d'abord à la notion de désobéissance, à cet état qui demande quelque effort pour échapper aux imbéciles corvées.

Incroyable surabondance que porte sur les endosses ce petit substantif féminin   !

Pour sa campagne électorale dans les années 80, une vieille momie cagoularde avait choisi une photo de village bien franchouillard barrée d'un slogan imbécile : la force tranquille. Les braves gens qui ont cru à cet oxymore s'en veulent-ils encore d'avoir filé leur biffeton à cet aigrefin ?

De tous ces sens, il ressort une idée générale fort peu amène ; en exceptant les emplois techniques, ça sent fort la fermeté ou la puissance… bof…

Parfois ça pue la contrainte comme il y a peu. Un petit ministre premier tordit les paluches aux députés pour leur faire gober une loi dont quelque-uns ne voulaient pas. Ces mêmes députés qui avaient pourtant voté tous les articles du texte dans le détail… va comprendre… la force d'esprit d'un député est inversement proportionnelle à ses intérêts. Bref, passage en force.

Parfois c'est l'assujettissement pur et simple : le petit président qu'est le chef du petit ministre premier et des armées décide d'envoyer des gros bateaux, des avions de chasse et autres engins fatals sur la gueule de mecs loin de nos frontières ; les forces de frappe françaises vont cogner sans que le moindre débat parlementaire, encore moins le moindre referendum ne donnent des avis ! Le peuple est bien trop bête pour apprécier il semblerait.

De jeunes et moins jeunes personnes outrées que le chefaillon d'un patelin leur bétonne leur belle campagne sous des prétextes économiques foireux et hop, les forces de l'ordre font du rentre-dedans, pas de quartier, on écrabouille en ligne, à l'assaut comme en 14 nom de d'là !… Tiens même qu'ils ont flingué un jeune gars qu'avait le tort d'être pile-poil face à un argousin muni d'un engin pas autorisé à tir tendu… oui mais bon, si les forces de l'ordre ne peuvent plus tirer à tort et à travers, où est-ce qu'on va-t-on j'vous l'demande !

Grâce à nos belles centrales nucléaires qui fuient de partout et qui jouent du clapet à vapeur comme à Tricastin encore hier, nous avons une féroce force de dissuasion. Dès que c'est assez enrichi le combustible, ça file direct dans des grasses ogives prêtent à être lancées sur la gueule du premier clampin qui veut en faire autant. Tant qu'à vitrifier, faut faire ça en chœur bien synchrone histoire de ne pas avoir à y revenir. Ah le gaillard veut nous anéantir ! Ben y va sentir le salopiot qu'est-ce qu'on va lui mettre, faudrait voir à pas trop nous les chauffer les rampes de lancement. Les cafards résistent parait-il, ils créeront de nouvelles formes de vie.

Les bagnes sont abolis mais pas le travail forcé. Dans nos prisons, le détenu peut aller fabriquer des trucs sans intérêt en atelier pour toucher trois malheureux sous qui lui permettront de cantiner des produits indispensables à prix prohibitif. Certes il peut refuser mais s'il n'a pas une famille pour l'aider à survivre, il est coincé par la force des choses.

Quelques illuminés décident qu'ils vont faire calife à la place du calife. Oui mais, y a un hic un gros, ils n'ont pas de califat, avouez que c'est ballot comme situation.  Illuminés mais pas gagas au point d'aller chasser eux-mêmes, ils recrutent des types assez incultes pour gober les fadaises paradisiaques post-mortem et zou, c'est parti pour la conquête à toute force. Et ça défouraille dans une salle de rédaction, au super-machin juif, à un centre de conférence, près d'une synagogue dans notre vieille Europe. Triste et enrageant. Autour du futur siège du califat, c'est plus atterrant encore : les demoiselles et les dames filent droit au viol sous le voile, de gré ou de force elles sont mariées si ce n'est déjà fait puis tuées ou vendues. Pour les garçons, une AK47 en pogne et ouste au combat ou une ceinture d'explosifs et vlan c'est parti pour l'aveugle tuerie. 

Les grecs malins qui font la nique à la grosse teutonne auront-il assez de force de persuasion ? De force d'âme pour ne pas renier leurs aspirations ? Ça tiendrait du miracle.

Faut vraiment avoir de la force de caractère pour continuer à essayer de se faire une idée de comment va le monde. Grosse tentation d'autruchisme parfois… la tronche dans le sable doré doux tiède. 

Allons sois un peu plus constructive sale goupil !

Bon, bon alors je vais jeter un œil sur les antonymes… arf j'aurais pas dû ! Des échantillons : mollesse, infériorité, lâcheté, délabrement, pusillanimité…… sur la trentaine de mot, deux seulement sont favorables : douceur et persuasion qui m'évoquent aussitôt la morale du vieux père La Fontaine "patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".

Tant qu'à avoir ouvert le bouquin, j'ai lu les derniers exemples cités par le Littré, c'est un régal ces vieux mots qui chantent :

- "Un peu de belle force vaut moult"   proverbe provençal collecté par Le Roux de Lincy

- "il mourut de force de rire"    Gargantua de Rabelais

- "Ils molestent tout leur voisinage à force de trinqueballer leurs cloches"  Gargantua de Rabelais 

- "Estant mon intention qu'il ne soit faict aucune force ny violence aux consciences de mes sujets"   lettres missives d'Henri IV

- "Ayans vescu longuement, il est force qu'ils ayent beaucoup veu"  l'évêque Amyot 

L'origine du mot est provençale, disons sudiste pour ne froisser personne. Alors en guise de conclusion un autre proverbe né en Provence qu'il faudrait faire ingurgiter de force à tous les malandrins qui ont soif tant de pouvoir qu'ils en sont exploiteurs sanguinaires devenus :

 "Où force est, raison n'a lieu"    collecte de Le Roux de Lincy

18 février 2015

 

 

 

SouhaitS aurais-je dû écrire ! Bonne santé… plein d'amour… de sous… de beau temps… et puis quoi encore ? Tout et rien, ça dépend des goûts et des envies.

S'accrocher un sourire, faire des promesses par les temps qui courent, c'est pas simple…Un jour peut-être une aube douce et dorée se lèvera : BONNE ANNÉE !

CJ mat site7199

 

1 janvier 2015

 

 

 

 

 

Au bout du bout de l'année, les associations, fondations et autres organismes nous rebattent les oreilles de leurs annonces publicitaires : "donnez chez moi, c'est vachement bien… éradication du cancer, de la pécole,  des corps aux pieds, libération de la liberté, diffusion massive de sparadraps aux ayant-droits, bombardements de jouets sur enfants perdus, adoptions et nutritions en tout genre…"  j'en passe.

Pourquoi n'être pas un peu plus direct dans le corps du texte messieurs-dames de la charité professionnelle ? "Filez-nous du pognon parce que l'état ne fait pas son boulot !" Ça serait clair et net et pas faux.

Etymologiquement charité est : « amour de Dieu et du prochain »  tout pour me plaire, arf……… Gros P'tit Robert ne dit pas autre chose : "vertu théologale qui consiste en l'amour de dieu et du prochain en vue de dieu." Pour le CNRTL c'est d'abord "Principe de lien spirituel, moral qui pousse à aimer de manière désintéressée." Mouais…… Ensuite : "Vertu spirituelle qui est l'amour parfait venant de Dieu et dont Dieu est l'objet, lien d'unité intime entre Dieu et les hommes, créatures de Dieu". Ben voyons…… Des œuvres de charité, des ventes du même acabit sont gouvernées dans l'aire restreinte d'une paroisse, pas ailleurs. La charité c'est bien la caritas des suppôts déïstes et pas autre chose. Quant à l'imaginer désintéressée par le clampin qui s'y adonne, je me marre ! Il croit gagner le paradis directo sans passer par les affres du purgatoire, des enfers et autres tréfonds fallacieux où il n'a pas envie de s'attarder après avoir avalé son bulletin de naissance, crédule hypocrite égoïste. Les ordres de charité inspirés de saint Augustin qui pullulent dans le monde attestent s'il le faut encore de la religiosité du mot. La charité est une vertu inspirée par l'amour du prochain parait-il mais faut pas trop en demander non plus ; si les religieux professionnels étaient si charitables, ils vendraient les tonnes d'or sur lesquelles ils sont confortablement calés, ça donnerait de quoi financer des programmes autrement plus ambitieux que d'éthiques distributions de croûtons.

Gaffe ! Si l'on vous prête des charités, c'est qu'on vous dénigre en colportant de mauvais bobards que vous n'avez ni dit ni fait ; rien à voir avec le don, tout avec la calomnie.

Les quémandeurs de fin d'année qui n'agrafent pas une religion au revers de leur veston se sont ripolinés la façade en inventant l'humanitaire, ça sent moins le cierge que charité et ça fait plus peuple, de la novlangue en quelque sorte. Un vrai business bien florissant l'humanitaire à tel point qu'il existe désormais des diplômes sanctionnant ceux-là qu'ont le droit d'en être, les autres doivent se contenter d'être humains tout bêtement.

Ben tiens, parlons-en : pour l'humain ordinaire qui n'a pas besoin qu'on lui débite des chimères pour se rendre compte que ses congénères ne sont pas tous des opulents au ventre rebondi, en bonne santé, instruits à suffisance et pourvus d'assez de biens matériels pour couler des jours tranquilles, le don, qui supplée la charité, est vachement ambigüe. Le don matériel je veux dire, des sous ou des denrées, des objets devenus inutiles, des rebuts pour le riche nécessités pour le pauvre.

Puisque le principe de redistribution a du plomb dans l'aile notamment faute de levées suffisantes d'impôts dans les poches des plus nantis de nos grasses sociétés, le péquin moyen est de plus en plus sollicité à don pour diverses causes plus ou moins pertinentes. Les grands barnums télévisés soutenus par de rances vedettes qui se refont une jeunesse sur le coup font dégouliner une masse considérable de pognon dont il n'est pas simple de trouver dans quelles escarcelles ça tombe au final. La charité des curés tient commerce depuis plus de deux mille ans, l'humanitaire inventé au XXème siècle semble avoir également de beaux jours devant lui. Allez quoi… soit bon et généreux ! Si c'est pas dieu qui te le rend, c'est toi qu'est bien content tout seul d'être si bienfaisant. Le reste de l'année, tu n'aurais pas l'idée ne serait-ce que de regarder un clodo dans les yeux, tu trouves assez ordinaire et logique que les recoins de ville soient rendus inaccessibles aux sans abri et que quand même tous ces bronzés qui déferlent sur le sol de la patrie, ça commence à bien faire.

Et voilà… c'est ici que ça coince et que l'exercice du don devient déraison. Un don privé ne peut aller qu'à une cause qui ait quelque résonance dans l'esprit du donneur alors qu'une redistribution publique s'opère sans discrimination. Un don privé peut avoir toutes les vertus possibles de bonté, générosité ou secours il n'est pas solidaire de tous les humains et faute de l'être il est discriminent.

Sur les trente-trois synonymes à charité, le mot solidarité arrive bon dernier… et encore je suis surprise qu'il soit en liste !

Ah t'as beau jeu de te gausser sale goupil ! Et tu fais quoi quand un quarteron de vieux quémande devant les commerces à Noël  ? Ben je donne comme tout le monde et ça me déplait prodigieusement et je râle d'importance et si un jésus laïc me remercie, je prends le temps de lui expliquer ma façon de penser, ça le secoue un peu mais finalement nous tombons d'accord à tous les coups.  Que l'on supprime toutes les charités qui suppléent la communauté défaillante préférant arroser des banques que nourrir et loger sa population et ça serait une révolte comme on n'en n'a pas vu depuis longtemps !

"Qu'est-ce qu'une charité qui n'a point de pudeur avec le misérable et qui, avant que de la soulager, commence par écraser son amour-propre"   Marivaux 

Un peu de pudeur oui certes… mais écraser la misère, encore un rêve de bête goupil.

26 décembre 2014