Le bonheur de lire un bon bouquin prime celui de le raconter. A deux-trois ouvrages lus par semaine, je devrais réduire sérieusement la lecture pour avoir un peu de temps pour narrer mes enthousiasmes et pourtant il y en a et pas des moindres !

"Baumgartner" de Paul Auster par exemple, mort peu après avoir écrit les dernières lignes de son dernier livre ;  et comme ces dernières lignes suscitent un étrange sentiment… je n’en écris rien, faut découvrir si ce n'est déjà fait.

Quelques polars ou thrillers croustillants dont je me demanderai toujours comment des écrivains à priori sains d'esprits peuvent inventer des horreurs pareilles.

Et puis… et puis… le prix Goncourt ! pas fana des prix littéraires qui m'ont toujours parus un peu fabriqués dans un entre-soi d'éditeurs auquel le commun des lecteurs n'est pas convié, sauf à être outrageusement sollicité au porte-monnaie pour acquérir le livre récompensé.

Oui mais non, là point de finauderie puisque c'est un auteur que j'apprécie grandement qui a chopé le pompon ; Kamel Daoud pour son dernier ouvrage "Houris" qui avait déjà obtenu le Goncourt du premier roman pour "Meursault, contre-enquête".

Avant qu'il obtienne le prix, la jaquette du livre était agréable à voir :

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Après, c'est de la publicité criarde ; on le sait bien, nom d'une pipe en bois que ce livre est couronné, pas la peine d'y foutre cette saleté de machin rouge ! scrogneugneu…

Houris 1

Ah qu'ils ne sont pas contents les dirigeants, les barbus et autres empêcheurs de vivre pleinement qu'un algérien talentueux narre la guerre dont une loi interdit qu'elle soit mentionnée de quelque façon que ce soit. Chanter la liberté d'une femme qui décide de son corps martyrisé par les égorgeurs de la décennie noire, qui ose penser par et pour elle-même dans ce pays sclérosé, ça ne plaît pas du tout aux potentats.

Seule la colonisation française serait responsable des soucis de ce merveilleux pays et ses chaleureux habitants. Les généraux prévaricateurs, les religieux fanatiques n'y sont bien évidemment pour rien. Une fatwa en bonne et due forme plane au dessus de la tête de Monsieur Daoud qui ne peut retourner dans son pays, dont le livre et la maison d'édition sont interdits de citée.

Tant qu'ils déformeront ou tairont l'Histoire de leur pays, les potentats continueront à s'en mettre plein les poches et à vilipender ceux qui osent poser des mots sur la décennie noire.

Impossible pour moi de donner quelque extrait sauf à dévoiler un peu trop, il faut découvrir sans avoir lu les gazettes ou ma modeste contribution ; le titre de cet article est mensonger.

Je me rattrape en citant Kamel Daoud lui-même :

"Ce régime n'a rien d'autre à offrir au peuple accablé par le vide que la haine de la France et les lynchages. Voici ma réponse : je vis désormais dans un pays de droits et de justice. Mon Algérie se relèvera un jour. Et osera affronter ses tueurs"

"Aujourd'hui, les meurtriers de 200 000 Algériens triomphent, tandis qu'un écrivain est accusé de leurs crimes"

Et une forte pensée pour Boualem Sensal, écrivain critique lui aussi qui ne pu s'empêcher de retourner dans son pays alors qu'il est bien accueilli en France et en possède la nationalité. Il est actuellement emprisonné parait-il dans un hôpital d'Alger car il n'est pas en bonne santé. A part du bruit médiatique vite retombé, je ne vois personne d'un peu influent tenter quelque chose pour le ramener vivant auprès de son épouse. Quel tort eut-il aussi d'aller se mêler de répondre à l'entretien d'un journal très très très à droite ? Et bien c'est son droit ! il a exprimé une opinion, n'a pas commis un crime contrairement aux égorgeurs qui se pavanent dans les rues d'Alger ou ailleurs dans le pays.

Monsieur Daoud est fort optimiste qui pense que son pays se relèvera, je le souhaite de tout cœur pour mes chers amis algérois pas mal kabyles et pour les jeunes gens bien français dont les ancêtres furent algériens émigrés, ça leur permettrait de réfléchir avant de dire des conneries et d’houspiller la Marseillaise lors des matches de foot… et pour les français de voir la guerre d'Algérie un peu plus pour ce qu'elle fut que ce qu'en racontent des personnages peu recommandables.

Aparté : le Goncourt a du pif depuis quelques temps. l'an dernier c'est Monsieur Andréa et son "Veiller sur elle" qui fut récompensé. Du vrai bon roman populaire qui possède tout ce que la vie fait d'amour, de haine, de mort, de beauté, d'art, de dépravation, de rédemption… la politique s'en mêle un peu et d'une manière si fine qu'il n'y parait presque pas. C'est un très joli roman.

23 janvier 2025

Edit du 28 janvier : Boualem Sensal serait sorti de l'hôpital où il était parait-il "soigné"… et retourné en prison… merde alors ! personne ne bouge à part quelques écrivains qui n'en peuvent mais