En feuilletant le vieux dico qui traine sur le bureau pour trouver je ne sais plus quelle confirmation de je ne sais plus quel mot, le livre s'est ouvert tout seul comme un grand à la page des EMB ; curieuse de voir où ce hasard me menait, j'ai parcouru les mots présentés et je suis tombée en arrêt sur cet emberlucoquer(s'). Pas facile à caser dans une conversation !
Ce vieux bouquin de 1828 donne en première définition "se coiffer" puis en deuxième "s'entêter dans une opinion qui fait juger faux". Voyons voir s'il existe encore ce mot chez pépé Littré… eh oui !  qui donne cette définition "s'entêter d'une idée, s'attacher aveuglément à une opinion"… tiens,  plus question de coiffure en 1873.
Dans le dictionnaire historique de Monsieur Rey qui date de 2019 ce verbe disparaît au profit d'emberlificoter qui est une altération du rigolo emberlucoquer qui eut de nombreuses variantes, je vous passe les explications savantes mais je note qu'emberlificoter voulait dire "rendre amoureux" aux alentours des années 1700.
Ça a bien changé de sens aujourd'hui. Le CNRTL ne possède que l'entrée emberlificoter, s'il ne contredit pas franchement le dico historique de Monsieur Rey, s'attache à l'acception actuelle de s'embrouiller les pieds ou dans les souvenirs, embarrasser ou séduire quelqu'un par paroles et promesses, tout en précisant que ça vient de loin et d'emberlucoquer.
C'est marrant les hasards, je viens de finir de lire Le dernier étage du monde de Bruno Markov. Premier livre de cet auteur qui fut consultant en intelligence artificielle et stratégie d'innovation auprès de gros clients genre banque, CAC40 et autres nuisibles. Il connait son sujet donc et nous dépeint l'envers du décor, comment se modeler une personnalité pour accéder aux plus hautes fonctions dans ce monde de la fabrication des algorithmes qui servent à tout et surtout à créer des désirs, des besoins et des opinions chez les consommateurs à l'aide notamment des réseaux dits sociaux… ah la belle arnaque que ces réseaux, ça pouvait se deviner mais Monsieur Markov nous met la truffe dans la cuisine peu ragoutante de la fabrication : le choix de tel influenceur qui va faire vendre un sac, une paire de chaussettes ou un parfum est très important pour le business mais plus important encore est le message qui va faire adopter des opinions à la multitude qui gobe l'arnaque sans se rendre compte de la manipulation.
Ces manœuvres prises pour vérité vraie par le naïf qui s'en va répéter à l'envi son arrêt bien tranché sur tel ou sujet sans se rendre compte qu'il ne fait qu'amplifier des faussetés ; il n'en démord pas, il s'emberlucoque le bougre d'âne !
Personne n'est à l'abri de tomber dans les rets de la désinformation, de tout temps il y eut du maniement d'opinion mais forcément dans une moindre mesure, les chambres d'écho comme les réseaux internet sont mille fois plus puissants que des discours, des journaux ou la télévision qui déjà touchait un large public.

 

Pas facile de ne rien gober, se méfier de toute information, photo ou discours… il est fatiguant ce siècle…

29 avril 2024