Décor : un salon carré pas grand dont un angle est cassé par une petite cheminée, une jolie petite table ronde, trois chaises provençales à coussin gris perle ou bordeaux, un canapé joyeux avec plaid indien vert-qui-pète, un buffet ancien sur lequel trône un grand écran noir. Au mur couleur bleu défraîchi, des photos encadrées ou pas, anciennes ou pas, la famille, les amis, les ancêtres. C'est très cossu quoique simple et chaleureux.

Epoque : XXIème siècle, 4 février 2012

Acteur : mézigue assignée devant le poste

Didascalies : y en n'a pas besoin


Ne croyez pas que je me vante mais j'ai regardé la télé ! Si, si…

J'étais en visite et hébergée par une charmante dame qui m'a plantée devant l'étrange lucarne cependant qu'elle mijotait des plats délicieux d'avance auxquels je n'avais pas le droit de prêter la main.

Bon ben tant pis, je vais somnoler en matant le grand rectangle lumineux avec des gens qui bougent dedans ; je commence à vaguement sombrer lorsqu'apparait un zigue dont le physique vieillissant n'est pas très flatteur, un physique de radio quoi. On me crie de la cuisine : "c'est les infos de la deux, tu feras attention à la météo pour la route demain" "Oui Mimi je ferai attention à la météo" que je réponds sans conviction.

Donc c'est un journal télévisé, j'ai bien fait de venir pour voir ça !  

Le zigue vieillissant ouvre la séance sur une affaire de caméras, ça m'attire l'œil que je rouvre un peu ; les outils pour faire de l'image, j'aime bien.

Oui mais non, c'est pas ça du tout ! Il s'agit de caméras de vidéo-surveillance installées dans une ville quelconque dont j'ai oublié le nom. Le zigue nous explique que c'est un progrès considérable pour la tranquillité du citoyen moyen. Et ne reculant devant aucun sacrifice, il va nous le prouver grâce à un reportage du tonnerre.

Ah bon, et bien… voyons…

Ce censément reportage commence dans un local qui serait un centre où arrivent toutes les images mais rien ne le prouve, n'importe quel studio ferait l'affaire.

Un homme a les yeux rivés sur deux moniteurs, l'un fonctionne pas l'autre. Il pleurniche car celui qui ne fonctionne pas est cause que la caméra est en panne et c'est très ennuyeux parce que les forces de l'ordre ne pourront pas appréhender les malfrats qui sévissent dans ce coin de rue. Ah bon ? Il sait que des malfrats sont au boulot et il ne prévient pas en raison de la panne d'une caméra ? Ou bien il raconte n'importe quoi pour amuser la galerie ?

Passons. Sur l'autre moniteur la preuve est là sous la forme de quatre personnages assez grands dans une rue sur le trottoir de droite ; l'un après l'autre ils traversent la rue et rentrent dans un bâtiment en face cependant qu'un cinquième arrive et ne fait que descendre du trottoir, il doit faire frais il sautille un peu et met sa capuche mais reste sur place.

Comme on est un peu con nous les téléspectateurs on ne comprend rien à rien surtout moi, une voix off nous explique que les quatre sont des sales types qui sont en train de commettre un méfait dans l'immeuble pendant que le capucheux fait le guet, d'ailleurs tiens v'là les flics !

Les quatre ressortent en courant, le cinquième capucheux leur emboîte la foulée, après un temps les flics déboulent derrière.

Ah ça alors ! Pour une preuve, c'est une preuve… Nom d'une pipe, j'ai bien fait de venir ! 

Sauf que je n'ai rien vu de plus que ce que je vous raconte. Pas l'once d'un début de preuve que les gars sont des voyous, que le cinquième est un complice, que les flics ne sont pas des figurants. Rien ne me montre qu'il s'agît vraiment d'une prise en temps réel, aucuns repères sur ces images vaguement sépia cotonneuses. Je sais pas moi… les quatre gaillards auraient pu faire un effort et avoir un truc volé dans les bras ou une valise mal fermée d'où s'écoulent des bijoux escamotés, quelque chose qui nous prouverait qu'ils sont des grands méchants grave fauteurs de troubles et le cinquième qui court comme un andouille derrière ses potes ; s'il était complice, l'avait qu'à laisser passer les flics et rentrer tranquillement manger sa soupe à la maison.

Arrivée là, je doute très fortement de la véracité du "reportage".

Et ça ne va pas s'arranger !

De la poursuite, on n'aura vu que le début mais ce fut fructueux puisque la séquence suivante nous montre un type habillé normal suivi d'un autre les mains dans le dos, tout deux ont le visage flouté. Rien n'indique que le second est serré par des menottes mais le début du reportage doit nous inciter à en avoir la certitude, manipulation mentale basique. Le premier indique au second mains dans le dos l'entrée d'un bureau. Il y rentre et s'assoie en face d'un troisième larron qui va commencer à poser des questions qu'on n'entend pas, les sons sont étouffés. Tout naturellement on va penser à un homme de loi qui doit faire avouer le criminel qu'est parti en courant devant les poulets.

Encore une fois quelles preuves ! Rien pour indiquer le lieu de l'action. Rien pour prouver qui serait le gendarme, qui serait le voleur. Bidonnage du début à la fin et ça dure longtemps ! Mais enfin…  qui se laisse si facilement abuser par des bêtises pareilles ? je me le demande. 

D'une caméra l'autre, il me revient en tête une affaire d'enquêteurs anglais qui étaient très fiers de leurs caméras de surveillance grâce auxquelles ils ont pu confondre les individus qui avaient commis des attentats-suicide dans des lieux publics. Le seul petit soucis c'est qu'ils les ont détectés quelques jours après les attentats et les nombreux morts, un détail…

Pour finir son taf, le zigue vieillissant n'aura pas beaucoup de temps de reste pour les menues infos sans intérêt : pauvres morts de froid alors qu'il ne devrait plus y avoir personne qui dorme dehors depuis 2007 (programme électoral du président actuel) et le reste du monde qui est sans intérêt à l'évidence…

Ah si ! il y a eu météo quand même ; risible, un clampin qui fait des moulinets de bras en disant pluie-neige-froid-glisse-aglagla. C'est ça la météo de la télé ? Et oùsqu'il est l'anti-cyclone ? Et les dépressions, le front froid ? Sont partis en vacances ?

Continuez sans moi à avaler ces fariboles… et bien le bonjour chez vous…

13 février 2012