Un néologisme pas très nouveau dans le langage courant néanmoins beaucoup trop jeune pour entrer dans un de mes dictionnaires. Et non, pépé Littré ne pouvait pas le connaître ce mot mal foutu ! En un temps bien révolu de luttes acharnées pour une agriculture un peu plus sensée, beaucoup moins industrialisée, le mot fut inventé pour désigner toutes les merdasses que bricole l'industrie dite agro-alimentaire pour caler les estomacs pressés. Qui c'est qu'a causé malbouffe le premier ? On se perd en conjectures ; d'aucuns vous diront que c'est un petit moustachu qui eut son heure de gloire pavée de bonnes intentions… celle d'aller pantoufler et faire du lard dans un hémicycle européen, d'autres argueront que c'est la meute journalistique en manque d'un mot générique, tiroir, fourre-tout bien pratique pour ne rien dire comme à l'accoutumée. Bof, peu importe après tout, l'Histoire tranchera peut-être la question.

Mal c'est pas bien et bouffe c'est nourriture en langue fleurie ; pas-bien-nourriture… mouais… c'est vraiment un raccourci… pour faire court ! 

Pour le mot mal l'Université de Caen recense des tas de synonymes parmi lesquels : torture, supplice, souffrance, violence ; hébé, c'est pas rien ! A propos de bouffe, je n'ai besoin de personne pour trouver du pareil : boustifaille, cuistance, croûte, tortore et j'en passe. On pourrait ainsi faire dans l'imprononçable sans bafouiller : torture-tortore, souffrance-cuistance… ah ça irait pas mal cet assemblage et ça fait chic en rime mais c'est trop long, supplice-croûte… mouais… finalement il n'est pas si mal ce malbouffe ; maintenant qu'il est ancré dans le parler courant faut bien s'en servir sans rechigner, après tout c'est ainsi que notre langue évolue et se modernise, par la rue.

Elle est remontée à la surface la malbouffe à l'occasion d'une étonnante découverte, il y aurait du cheval dans des lasagnes industrielles, ah… Et c'est grave ? Ah ben oui ma p'tite dame, vous rendez-vous compte, c'est écrit bœuf sur la boîte et voilà t-il pas que c'est du cheval ! Graaaaaave !!!  Ah ? Pourquoi donc, c'est sain à manger le cheval… et puis si on commence à demander aux publicistes d'indiquer des vérités, ils disparaissent ces maroufles.

Après c'est le deuxième acte du drame, une avalanche de cheval inouïe ; dans les ravioli en boîte, dans les boulettes de chépakoi, etc… et pour toute l'Europe évidemment, les frontières sont ouvertes à tous les vents de la légalité aléatoire… une avalanche vous dis-je, il y en a dans tout sauf peut-être dans les pâtées pour chien. Je trouve assez rigolo que tout d'un coup l'on s'aperçoive que la bouffe industrielle est particulièrement trompeuse alors que ça a commencé il y a bien longtemps. Au début du siècle dernier la poudre à faire un liquide chocolato-banane ou bien le soit-disant fromage entortillé dans un papier alu à vache rigolarde avaient attaqué le marché. Ce marché qui n'a cessé de croître et embellir question bénéfices alors pourquoi se gêner hein ! Et c'est parti pour la longue litanie des saloperies emboîtées, pasteurisées, surgelées, "conservatisées".

Comment peut-on manger des trucs pareils ?

Ah mais les femmes travaillent, elles n'ont plus le temps de cuisiner et puis c'est pratique, vite sorti et réchauffé, pourquoi s'en priver ?

Et pardi ! parce que c'est insipide, pourri de sel, de farines, de graisse d'huile de palme fléau agricole s'il en est, il y a même du gel de silice coloïdal (dont je me sers dans des mélanges de résines synthétiques !) là-dedans pour épaissir la ragougnasse et bien agglomérer l'ensemble…… berkkkkk… Et puis… les hommes… ils ne peuvent pas s'y mettre à la cuisine ? D'un côté j'entends que mes congénères passent en moyenne trois heures par jour à mater un poste de télévision et ils n'ont pas dix minutes pour faire un hachis Parmentier ? Cornegidouille !

A la sonnerie du troisième acte, alors là c'est le pompon, ça n'était pas du cheval finalement, c'était du déchet de cheval ou d'autre bête peu importe… en tout cas des résidus de carcasses qui devraient se trouver chez l'équarrisseur et pas dans l'assiette, miam !

"Tu es ce que tu manges" qui qu'a dit ça ? Est-ce que ça a été réellement dit ? Admettons : si tu manges de la merde, tu es………  hééééé oui, joyeux n'est-ce pas.

Le quatrième acte n'est pas encore écrit. Eventuellement de mols coups de pieds par-ci par-là dans le derche de quelques dirigeants de filières industrielles. Ça ne leur fera pas bien mal et s'ils se sentent trop coincés par de nouvelles normes, ils feront du lobbying, du chantage à l'emploi et ces charmants personnages continueront à cracher du cash pour les actionnaires - ben oui, vendre au prix du bœuf, des résidus de carcasses ça rapporte - et de l'aïote* pour les consommateurs.

Je ne vois qu'une solution pour éradiquer ces saloperies classées bien à tort dans le rayon nourriture, ne pas les acheter ; Coluche en son temps avait dit quelque chose comme "et il suffirait de pas acheter pour pas que ça se vende".

Si les arguments plaisir de la table, partage et convivialité, santé, protection de l'agriculture nourricière ne suffisent pas à cesser d'engraisser l'industrie agro-alimentaire, se pencher un peu au fond du porte-monnaie peut être édifiant. Le "fait à la maison" est bien moins cher que le "tout fait" aux ingrédients douteux dont, de plus, on doit payer l'emballage qui ne se mange pas. Mes lasagnes me prennent vingt minutes de temps grâce aux pâtes pré-cuites, pour un Parmentier dix minutes grâce à la cocotte qui fait tuit-tuit et cuit les patates rapido ; j'écrase et bat la purée à la main, un vrai plaisir un peu sportif certes mais quoi… rien de ce qui s'obtient sans effort et réflexion n'est honnête ni bon.

Les notes à la marge de cette funeste farce sont formidables ; un marchand de choses qu'il appelle pompeusement meubles, vend aussi des boulettes dites de viande et des tartes à la crotte, ben quoi… c'est de la même couleur que le chocolat ! Faut dire que ce marchand est un joyeux coquin qui flique aussi bien ses clients que ses salariés. Suffirait de ne pas acheter pour………

Un très futé industriel a découvert le jambon de poulet, ah bon… le jambon est la "cuisse" d'un cochon et le poulet, c'est une volaille à si petites cuisses qu'il est bien impossible d'y découper une tranche ; qu'à cela ne tienne, on hache des résidus, on mélange, on colle au collagène le bien nommé et zou, dans l'emballage plastique l'aggloméré de bidoche blafarde. Ça existe aussi au goût dinde, comment une dinde élevée à la chaîne dans le confinement et les antibiotiques peut-elle avoir un goût ? Bah, un bon peu de sel, des arômes synthétiques et l'affaire est dans le sac. Suffirait de ne pas acheter pour………

Avec tout ça, je me suis penchée sur les compositions des soupes déséchées, arf……… J'ai découvert dans un rayon de super-machin de la pâte à crêpes toute faite emballée en brick ou en sachet plastique ! M'enfin ??? Ça prend trois minutes à faire une pâte pour quinze crêpes et ça ne coûte qu'un peu de farine, deux œufs et un peu de lait. Suffirait de ne pas acheter pour………

Baste, je ne raconte pas tout et puis j'ai cessé les investigations, j'avais une indigestion de colorants, d'huiles insaturées, de gomme de truc et de machin rien qu'à regarder les compositions. Question emballage outre que c'est du déchet ultime de naissance, je me suis bien marrée des conneries avancées par les publicistes : c'est "fermier", "paysan", "bistro", "berger", "grand-mère" avec de beaux photo-montages illusoires. Quand vraiment il n'est pas possible d'invoquer les images d'un passé fantasmé, il suffit de coller une photo de vedette qui se pourlèche et le tour est joué… le pire c'est que ça marche puisque ça perdure ! Suffirait de ne pas acheter pour………

Au registre des dégâts collatéraux, une vieille affaire ressort des placards judiciaires où elle pionçait tranquille depuis 2008 ; des gens s'interrogent de savoir pourquoi et comment de la viande verte ou bleu, qui pue et se délite s'est retrouvée servie dans des cafétérias… hummmm, yabon comme dit la poudre choco-banane… les clients sont installés aux chiottes durablement.

Il semblerait qu'en Norvège ou au Royaume Uni, un contrôle ait découvert des morceaux de viande de porc dans des saucisses de poulet halal… alors ça, c'est la cerise sur le gâteau ! Grosse poilade !!!

D'ailleurs au concours cerise sur le gâteau, des partis dits de gauche pourraient bien défendre leurs couleurs contre l'halal au cochon ; ce troupeau de jobastres a voté une directive européenne autorisant la réintroduction de farines animales dans l'alimentation des bêtes d'élevage autres que les ruminants… youpi et vive les branleurs parlementaires !

Suffirait de ne pas acheter pour………

6 mars 2013

* l'aïote, c'est de la merde en papillotte en nissart ; à la cuisine, quand quelqu'un passe la tête par dessus mon épaule en susurrant : "et qu'est-ce que tu mijotes ?" je réponds invariablement "de l'aïote"… se marrent ceux qui connaissent la signification et sont perplexes ceux qui l'ignorent.