Comme je me plaignais à un mien collègue de ne pas savoir inviter ici un mot permettant d'évoquer des choses douces, calmes et voluptueuses, il me fit des propositions : député, Medef ……… pffff… on s'croit malin ! Il s'est reprit et m'a offert héros… Difficile à cerner pour moi et pas grand chose à voir avec l'actualité sauf à glisser vers le cinéma qui ressort les super-héros de la galaxie Marvel du placard mais je n'y connais rien en super-héros de comic books. En fin de compte comme troisième proposition c'est tombé sur électeur… le pauvre va-t-il s'en remettre ? Adieu douceur, calme et volupté… arf…

L'électeur d'aujourd'hui, pas celui du premier empire ou des obscures contrées teutonnes. L'électeur qui est régulièrement sifflé par le chef et sommé d'aller placer un p'tit papier dans l'urne, qu'est bien la seule à être transparente, puis s'en retourner au foyer sans plus s'occuper de rien surtout : dormez en paix bonnes gens le chef veille sur vous.

Aparté vite fait : le CNRTL m'explique qu'on peut employer ce mot pour désigner : "une personne qui fait partie de la clientèle d'un homme célèbre, qui se pose en fidèle admirateur de quelqu'un"… je l'apprend. L'exemple donné à l'appui est une saillie de Cocteau à l'encontre de Gide… rigolo.

Revenons à nos moutons, en l'occurrence l'électeur… grande tentation de le mêler aux  moutons bêlants  !

Electeur mon petit, t'es rien qu'une andouille ! Tu crois (ah les croyances…) avoir le choix, on te fourre ta télé avec la trogne de deux ou trois types qui te racontent qu'avec eux à la tête du patelin, on va voir c'qu'on va voir et toi tu t'y colles, tu vas faire ton "devoir de citoyen" qui te bouffe ton repos dominical bien mérité et puis voilà. Celui des deux-trois qu'aura décroché le polichinelle fera ce que bon lui semble pour sa petite crémerie personnelle, tu n'auras rien à dire, rien à vérifier ou contrôler. Tu penses avoir choisi et après tu la fermes, youpi.

Il n'y a pas si longtemps on a vu passer par la case justice des politicards condamnés (ou pas, ça dépend de leur degré de protection) pour des saloperies genre sévices sexuels, prévarication, abus de recel, emplois dissimulés ou fictifs, enrichissement personnel, compte en paradis fiscal, achat de votes ou encore faux témoignage à la barre d'un tribunal. Après avoir mijoté dans leur chez-eux quelques années d'inéligibilité, ils reviennent la gueule enfarinée implorer ta voix et toi bonne poire, tu la leur donnes… palsambleu qué couillon… ou alors serait-il possible que tu aies une mémoire de poisson rouge*, un gros manque de perspicacité… en bref, t'es pas à la hauteur de la tâche qui t'incombe.

Dernièrement, une bonne majorité des électeurs a préféré son repos dominical à son supposé devoir électoral. Il y avait pléthore de candidats, des tas de listes, un gratin bien plus garni que d'habitude mais non, décidément ça ne faisait pas envie cette vitrine de produits qui allaient du comique au rentier de situation en passant par les ratas les plus avariés. Décidément… envie de rien dans ce panel de solliciteurs.

L'absence de seuil minimum de suffrages exprimés pour que l'élection soit valide ajoutée au fait que seuls les doctrinaires ont mis leur papelard dans la boîte à vote, il en a résulté un effet arithmétique qui a foutu le schproum. L'extrême droite serait arrivée en tête avec des tas de millions de voix et que houlala c'est le premier parti de France et patati et patata. Non seulement la cheftaine éructe encore plus fort que d'habitude mais les médiacrates embrayent derrière à grand coup de débats blablateux interminables… minables tout court d'ailleurs. Tout le monde a foncé bille en tête, le parti "gagnant", radios, journaux, internet et probablement télés ; personne n'a fait le bête calcul niveau MatSup (maternelle supérieure) que la moitié des voix exprimées par moins de la moitié des inscrits sur les listes électorales, ça fait en gros du dix-pour-cent… pas de quoi batifoler en s'inventant premier parti de France. A ce train-là les staliniens qui se gobaient du vingt-pour-cent aux législatives de 1968 (avec vingt-pour-cent d'abstentions seulement à ce scrutin majoritaire uninominal et non proportionnel de liste) auraient dû être les rois du monde et casser la baraque ! Ils n'étaient pas moins dangereux que la cheftaine les staliniens mais ne faisaient pas déferler autant de vagues médiatiques à l'époque. De quelque bord pourri qu'elle émerge, une dictature est une dictature. Pour mémoire "dictature : régime politique dans lequel le pouvoir est entre les mains d'un seul homme ou d'un groupe restreint qui en use de manière discrétionnaire".

Pour minables qu'ils soient ces dix-pour-cent sont de trop, foutent la honte au pays des droits de l'homme qu'avait pas besoin de ça, l'est bien assez cabossé ! La Ve république se meurt mais quelle agonie… Faudrait abréger les souffrances…

Le jour suivant ce calamiteux scrutin la radio nationale, seul média généraliste que j'écoute un peu le matin, me tympanise de commentaires puis m'assène l'inévitable radio-trottoir :

"- je laisse la parole à Trucmuchette notre envoyée spéciale

- alors oui bonjour je suis à Trifouillis-les-oies et je vais interroger ce monsieur-là……alors vous, vous avez voté  cheftaine éructante, dites-nous pourquoi ?

- et ben… voilà… y en a marre…

- ah oui… et vous avez quel âge, vous travaillez ?

- et ben oui… euh … j'ai 31 ans, j'ai du boulot, moi ça va…

- alors pourquoi vous avez …

- ben… euh… c'est les étrangers là……… y en a trop…… ils ont tout… le RSA… tout ça…

- oui, ben bon… alors voilà, c'était Trucmuchette en direct de Trifouillis-les-oies, à vous les studios…"

Je n'en crois pas mes oreilles ! Alors je t'écris Enzo  - parce que tu t'appelles Enzo… c'est français Enzo monsieur le radio-trottoiré ?… hmmmmm… - mon petit Enzo, le RSA ça commence à 499 € si t'es seul et ça finit à 1248 € si tu te cloques une bonne femme et trois gosses… tu te vois vivre avec si peu ? Non hein alors, t'es jaloux ? Tu votes parti national-socialiste (dont je te rappelle si tu l'as oublié que son acronyme est "nazi") parce qu'il y a trop d'étrangers, mince alors… c'est tout ? T'as que ça comme programme ? Foutre les étrangers dehors ? Et puis tu vois Enzo, tu viens de dire une grosse bêtise et la cheftaine ne va pas te sourire parce qu'elle fait de gros efforts pour les dissimuler ses affinités nazies.

Si tu avais pris le temps de décrypter les harangues sur la préférence nationale, de chercher à savoir d'où provient la fortune bien cimentée du pater de la cheftaine et combien de dizaines de procès elle a perdu la famille contre les journaux et journalistes qui écrivent des vérités dérangeantes pour l'accession au trône, tu ne serais pas piégé… je veux dire que tu ne banderai pas avec les petits muscles de tes petits doigts le piège à mâchoires parce qu'il se refermera sur toi aussi candide Enzo.

Candide tu l'es tant. On te rabâche que c'est la faute aux étrangers si c'est la crise, la guerre, le déficit, le chômage, je-ne-sais quel autre discours à angoisser le quidam  alors toi tu cours tu fonces… ouais c'est ça, sales étrangers. Malcom Little, un type  plus connu sous le nom de Malcom X expliquait à son auditoire  : "si vous n'êtes pas vigilants les médias arriveront à vous faire détester les opprimés et aimer ceux qui les oppriment". Tu n'es pas vigilant Enzo. L'abêtissant sermon quotidien a planté son odieuse graine dans ta p'tite cervelle.

Je vais te faire une petite confidence Enzo : moi aussi je foutrais bien des étrangers dehors… ah ! Ça t'en bouche un coin ça, avoue ! Ne te réjouis pas trop vite, pas les mêmes que toi mon bonhomme… les milliardaires qatari qui achètent nos beaux hôtels et nos entreprises tout en soutenant des délinquants interlopes autrement qualifiés de terroristes, les dictateurs africains qui saignent leur peuple pour s'offrir de splendides demeures et rouler carrosse en toute impunité dans nos pays d'Europe…… ah bien sûr c'est du gibier plus difficile à pesquer qu'un pauvre hère qui, non content de galérer en France dans des boulots sous-payés ou des aides sociales étiques, doit se trimbaler un collier de tes crachats autour du cou.

Allez, je t'en fais une autre de confidence : j'en ai ras la couette des outrecuidants politicards, syndicats et autres associations lobbyistes. Leurs mensonges me sont exécrables comme tu ne peux même pas l'imaginer. Tout se pourri et se corrompt. Démocratie en carton-pâte et paradis fiscaux. Toutefois, dans ce dégoût profond que j'ai, je ne trouve aucune raison valable pour aller chercher dans une dictature solution à ces maux qui ont une origine et des responsables à combattre. Si tu considères qu'une dictature combat les oligarques, tu te goures dans les grandes largeurs, ils changent de nom c'est tout.

Tu n'es pas obligé de me croire, soit. Alors avant de faire ton choix, tu pouvais te renseigner utilement sur la gestion des municipalités copines avec la cheftaine histoire de comprendre ce qui se passerait à l'échelle nationale. Attrayante la gestion culturelle par exemple : bibliothèques surveillées, publications et films interdits, folklore obligatoire… banni l'étendage du linge dans une coquette petite ville du sud dont c'est une des identités le linge aux fenêtres, c'est… je veux dire c'était joli comme dans la chanson le linge aux fenêtres. Tu pouvais facilement savoir comment allaient être traités les journalistes qui ne sont pas dans les petits papiers de la cheftaine, elle l'a dit et redit… la liberté d'expression si malmenée déjà, va en prendre un coup (ça commence d'ailleurs, un chef de cabinet national-socialiste a déclaré aux journalistes campés sous son pif : "on va vous marcher dessus" tout en expliquant qu'il commencerait par leur interdire l'entrée des métingues de la cheftaine) et quand la liberté d'expression se fait la malle, tous les autres droits filent avec.

Mais non tu n'a rien analysé, tu obtempères et te rues sur l'étranger, toujours l'étranger, l'immigré assurément responsable de tous nos maux ; c'est lui qui interdit à la BCE de soutenir les budgets des états de l'union européenne, lui encore qui tire les ficelles à la commission, lui toujours qui souffle ce vent ultra-libéral au parlement. Il est fortiche ton étranger qui touche le RSA-tout-ça !

Faudrait pas que tu t'infliges une fracture du neurone surtout, que tu t'interroges sur nos politiques étrangères par exemple ou sur les délocalisations de production… peut-être que si tu te rencardais un peu bien, ça finirait par déranger tes minables petites certitudes et alors adieu le simplisme du p'tit papier glissé dans l'urne et ça deviendrait fatigant, tu te mettrais à réfléchir au lieu de gober du prêt-à-voter. Enzo, voilà ce que tu es, un qui ne veut surtout pas se fatiguer à penser, t'es un consommateur de dogme.

Et si tu traversais la rue ? Et si t'allais lui dire bonjour à l'étranger ? Ah ben non surtout pas ! Tu t'apercevrais que c'est un être humain… ça serait gênant ; à peu que tes neurones se prennent un strike** d'anthologie et que tu deviennes aimable et réfléchi !

Un dernier mot Enzo pour te raconter une petite histoire jolie : tu n'es pas sans connaitre la chanson, que dis-je le tube planétaire Happy de Pharrell Williams reprit en chœur par des centaines de gens partout dans le monde qui s'enregistrent avec plus ou moins de bonheur en vidéo selon la mode qui trotte. De jeunes iraniens et iraniennes s'y sont mis : musique pop, visages dévoilés, cheveux libres, maquillage et fringues folâtres, garçons et filles mélangés se tortillent en cadence sur le toit d'un immeuble de Téhéran. C'est jeune, joyeux et interdit en Iran de prendre un peu de simple bon temps. S'ils se font choper par leur police politique et s'ils ont du bol ils encourent le cachot à vie après une parodie de procès, la peine de mort si c'est pas leur jour de chance… lapidation pour les filles, pendaison pour les garçons. Voilà, c'est ça aussi une dictature.

29 mai 2014

*   mes plus plates excuses aux poissons rouges qui ne méritent pas tant de mépris

** au bowling un strike consiste à faire tomber les dix quilles avec la première boule lancée