Au bout du bout de l'année, les associations, fondations et autres organismes nous rebattent les oreilles de leurs annonces publicitaires : "donnez chez moi, c'est vachement bien… éradication du cancer, de la pécole,  des corps aux pieds, libération de la liberté, diffusion massive de sparadraps aux ayant-droits, bombardements de jouets sur enfants perdus, adoptions et nutritions en tout genre…"  j'en passe.

Pourquoi n'être pas un peu plus direct dans le corps du texte messieurs-dames de la charité professionnelle ? "Filez-nous du pognon parce que l'état ne fait pas son boulot !" Ça serait clair et net et pas faux.

Etymologiquement charité est : « amour de Dieu et du prochain »  tout pour me plaire, arf……… Gros P'tit Robert ne dit pas autre chose : "vertu théologale qui consiste en l'amour de dieu et du prochain en vue de dieu." Pour le CNRTL c'est d'abord "Principe de lien spirituel, moral qui pousse à aimer de manière désintéressée." Mouais…… Ensuite : "Vertu spirituelle qui est l'amour parfait venant de Dieu et dont Dieu est l'objet, lien d'unité intime entre Dieu et les hommes, créatures de Dieu". Ben voyons…… Des œuvres de charité, des ventes du même acabit sont gouvernées dans l'aire restreinte d'une paroisse, pas ailleurs. La charité c'est bien la caritas des suppôts déïstes et pas autre chose. Quant à l'imaginer désintéressée par le clampin qui s'y adonne, je me marre ! Il croit gagner le paradis directo sans passer par les affres du purgatoire, des enfers et autres tréfonds fallacieux où il n'a pas envie de s'attarder après avoir avalé son bulletin de naissance, crédule hypocrite égoïste. Les ordres de charité inspirés de saint Augustin qui pullulent dans le monde attestent s'il le faut encore de la religiosité du mot. La charité est une vertu inspirée par l'amour du prochain parait-il mais faut pas trop en demander non plus ; si les religieux professionnels étaient si charitables, ils vendraient les tonnes d'or sur lesquelles ils sont confortablement calés, ça donnerait de quoi financer des programmes autrement plus ambitieux que d'éthiques distributions de croûtons.

Gaffe ! Si l'on vous prête des charités, c'est qu'on vous dénigre en colportant de mauvais bobards que vous n'avez ni dit ni fait ; rien à voir avec le don, tout avec la calomnie.

Les quémandeurs de fin d'année qui n'agrafent pas une religion au revers de leur veston se sont ripolinés la façade en inventant l'humanitaire, ça sent moins le cierge que charité et ça fait plus peuple, de la novlangue en quelque sorte. Un vrai business bien florissant l'humanitaire à tel point qu'il existe désormais des diplômes sanctionnant ceux-là qu'ont le droit d'en être, les autres doivent se contenter d'être humains tout bêtement.

Ben tiens, parlons-en : pour l'humain ordinaire qui n'a pas besoin qu'on lui débite des chimères pour se rendre compte que ses congénères ne sont pas tous des opulents au ventre rebondi, en bonne santé, instruits à suffisance et pourvus d'assez de biens matériels pour couler des jours tranquilles, le don, qui supplée la charité, est vachement ambigüe. Le don matériel je veux dire, des sous ou des denrées, des objets devenus inutiles, des rebuts pour le riche nécessités pour le pauvre.

Puisque le principe de redistribution a du plomb dans l'aile notamment faute de levées suffisantes d'impôts dans les poches des plus nantis de nos grasses sociétés, le péquin moyen est de plus en plus sollicité à don pour diverses causes plus ou moins pertinentes. Les grands barnums télévisés soutenus par de rances vedettes qui se refont une jeunesse sur le coup font dégouliner une masse considérable de pognon dont il n'est pas simple de trouver dans quelles escarcelles ça tombe au final. La charité des curés tient commerce depuis plus de deux mille ans, l'humanitaire inventé au XXème siècle semble avoir également de beaux jours devant lui. Allez quoi… soit bon et généreux ! Si c'est pas dieu qui te le rend, c'est toi qu'est bien content tout seul d'être si bienfaisant. Le reste de l'année, tu n'aurais pas l'idée ne serait-ce que de regarder un clodo dans les yeux, tu trouves assez ordinaire et logique que les recoins de ville soient rendus inaccessibles aux sans abri et que quand même tous ces bronzés qui déferlent sur le sol de la patrie, ça commence à bien faire.

Et voilà… c'est ici que ça coince et que l'exercice du don devient déraison. Un don privé ne peut aller qu'à une cause qui ait quelque résonance dans l'esprit du donneur alors qu'une redistribution publique s'opère sans discrimination. Un don privé peut avoir toutes les vertus possibles de bonté, générosité ou secours il n'est pas solidaire de tous les humains et faute de l'être il est discriminent.

Sur les trente-trois synonymes à charité, le mot solidarité arrive bon dernier… et encore je suis surprise qu'il soit en liste !

Ah t'as beau jeu de te gausser sale goupil ! Et tu fais quoi quand un quarteron de vieux quémande devant les commerces à Noël  ? Ben je donne comme tout le monde et ça me déplait prodigieusement et je râle d'importance et si un jésus laïc me remercie, je prends le temps de lui expliquer ma façon de penser, ça le secoue un peu mais finalement nous tombons d'accord à tous les coups.  Que l'on supprime toutes les charités qui suppléent la communauté défaillante préférant arroser des banques que nourrir et loger sa population et ça serait une révolte comme on n'en n'a pas vu depuis longtemps !

"Qu'est-ce qu'une charité qui n'a point de pudeur avec le misérable et qui, avant que de la soulager, commence par écraser son amour-propre"   Marivaux 

Un peu de pudeur oui certes… mais écraser la misère, encore un rêve de bête goupil.

26 décembre 2014