D'après mon brave père Littré : Terme de peinture. Représentation grotesque de personnes, d'événements qu'on veut ridiculiser. Imitation dérisoire, charge. Pour le CNRTL : Portrait en charge, le plus souvent schématique, dessiné ou peint, mettant exagérément l'accent, dans une intention plaisante ou satirique, sur un trait jugé caractéristique du sujet.  Et puisque l'Académie ne veut pas répondre aujourd'hui… ils doivent faire la sieste les hommes en vert… et bien je m'en passerai, tant pis.

En fouillant, toujours chez Littré, j'ai découvert que la personne qui caricature à l'écrit est caricaturier, celui qui opte pour le dessin ou la peinture est caricaturiste. Je ne savais pas ces différences, est-ce encore usité caricaturier ? Ça c'est une question qu'elle est bonne…

Grotesque, ridicule, charge, exagération… intention plaisante ou satirique. Où l'on s'aperçoit que la caricature n'est pas forcément source de grasse rigolade.  En trois coups de crayon : ironique, cynique, possiblement cruel pour le sujet le dessin du caricaturiste quand il n'est pas tendre. Ces productions sont parfois faussement appelées "dessin d'humour" alors que l'hilarité éventuelle reste grinçante.

C'est parfois raté pas marrant, affligeant, idiot, vulgaire les p'tits dessins, à chacun son avis. Ça peut être flagorneur pour complaire au chef ou bien confortablement installé dans des sujets qui ne risquent pas de fâcher qui que ce soit comme "Les vieilles dames" (Jacques Faizant bien droiteux, ami du borgne) ou le chien Azor (Coq qu'a fait des dessins pour les républicains espagnols ses compatriotes) dont je lisais les aventures dans un magasine quand j'étais coincée chez le merlan par la famille désireuse de me voir coiffée de temps en temps.

Ne tournons pas autour du pot, une caricature c'est fait pour se foutre de la gueule des puissants, civils militaires ou religieux, qui nous gouvernent. Grâce à la presse qui devient populaire et accessible dans les années 1800, le dessin se fait une belle place et devient irremplaçable dans l'art de dénoncer à gros traits plus ou moins spirituels. Comme de bien entendu les gouvernements successifs ont créé des contre-feu pour museler ces croquis bien trop parlants d'un seul coup d'œil. Daumier ou Caran d'Ache parmi les plus célèbres s'en donnèrent à cœur joie pour illustrer les vilenies tout en contournant tant bien que mal la virulente censure.

Sans l'avoir vécu en direct, tout le monde se souvient des deux dessins du "dîner" (Caran d'Ache) traitant de l'inique procès Dreyfus qui a divisé le pays. C'est marquant un bon dessin de presse.

Je ne sais pas comment les services de censure furent nommés "Anastasie" ; le caricaturiste et chansonnier André Gill en a fait un portrait saisissant encore que je ne vois pas à quoi se rapporte le pauvre hibou embarqué dans l'affaire !

anastasiegill330

une histoire de la censure par ICI

Cette salope d'Anastasie sévit encore en mode planqué ; seuls les journaux totalement indépendants au monde des affaires peuvent se permettre d'éditer ce qui leur passe par la tête. Un canard qui appartient à un marchand d'armes ne se moque pas des avions de chasse, un autre qui serait communiste ne brocarde pas l'EDF qui finance la parution grâce aux encarts publicitaires qu'elle rémunère rondement, un encore qui fut parait-il d'extrême-gauche est rangé dans le portefeuille d'un affairiste endetté jusqu'au trognon mais qui a ses entrées au Palais… bref, la presse dans son ensemble est inféodée et pas qu'un peu, auto-censure à tous les étages ! Ils ne sont pas près de mordre la main qui les nourrit les pisseurs d'encre qui se targuent de fabriquer l'opinion dans le pays.

Cette liberté de caricaturer n'est pas tombée toute rôtie sur le papier. Les narquois ancêtres agiles du crayon se sont bagarrés, ont soufferts pour le droit d'exprimer librement leur interprétation de l'actualité et persifler sur tout sujet qui les inspire.

En ces temps difficiles où sont honorés des dessinateurs caricaturistes que deux obscurs crétins ont exécutés voici un an, il faudrait se bouger un poil pour la défendre la liberté d'expression ! Ce ne sont pas quelques gerbes de fleurs et trois messes profanes sous le pif de la République qui endigueront la vague liberticide qui déferle et commence à me courir sérieusement sur le haricot !

D'abord il a fallu "être Charlie" sous peine d'exécution publique, ensuite il a fallu défiler derrière le popotin de divers patrons de pays dont bon nombre de dictateurs pour jouer au "plus jamais ça" efficacité garantie, arf……

Aujourd'hui il faudrait courber l'échine. Je lis ça et là que la rédaction de Charlie Hebdo est irresponsable de continuer à gribouiller des dieux et conchier tout ce qui l'emmerde. Allons soyez francs scribouillards de journaux sous influence ! Dites-le bien en face que finalement ils l'avaient un bon peu cherchée la rafale de kalach et même qu'ils en redemandent, ça vous évitera de pleurnicher des périphrases poussives. C'est pas croyable l'hypocrisie qui traine dans toute la presse de masse,  pffff…

Je me suis accrochée mais j'ai fini par larguer sans regret Charlie Hebdo il y a fort longtemps. Pour moi Charlie (après Hara-Kiri) c'était la folie de Choron, le poil à gratter et la plume de Cavanna ; l'ersatz qui suivit quand il ne me puait pas au nez  m'indifférait : les dessins pipi-caca-prout mal signifiants, bof…

J'appréciais les gags anti-cléricaux et puis j'ai fini par en avoir marre que ça ne se renouvelle pas, tombe toujours du côté du turban ; je n'ai pas du tout été surprise que les crobards d'extrême-droite interdits ailleurs atterrissent là-dedans, le terrain était fertile, ça a bien poussé.

Et alors ?

Alors ils en ont le droit  !  Dessiner, éditer tout ce qui leur passe par la tête est un droit nom de dieu de bordel de merde à couilles de prophète !!! 

Le droit, la latitude, la licence, la possibilité, le pouvoir, l'envie, la faculté… en un mot un seul, le plus chouette : LIBERTÉ !

Quant au populo qui passe, sa liberté consiste à ne pas acheter, ne pas regarder, ignorer ce qui pourrait lui mettre les nerfs en pelote, passer son chemin quoi ! La loi se charge des débordements et atteintes à l'intégrité des personnes alors les dieux n'ont qu'à aller pleurnicher à la 17ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance parisien dite chambre de la presse si ça les défrise les p'tits croquis !…Pour peu qu'ils existent ces omnipotents, ils seraient bien en peine de justifier leurs dictats devant un tribunal…… et tiens… c'est peut-être pour ça qu'ils n'osent y aller au tribunal…

 

J'ai prélevé des textes édités après l'atroce tuerie que je trouve intelligents et bien foutus :

- un article d'Amine Zaoui dans le journal en ligne Liberté Algérie. Dilem y dessine quand il n'est pas obligé de se réfugier en France (chez Charlie Hebdo !) poursuivi par la dictature

- Abdennour Bidar c'est dans Marianne, ça j'y peux rien

- Schlomo Sand sur le site de l'IJFP

Aujourd'hui que la parole religieuse la plus abject tient le dé de la conversation, que nos dirigeants nous embourbent dans le régime Vichy nous avons plus que jamais besoin d'artistes libres même si ce qu'ils produisent déplait… ça ne se négocie pas la liberté.

 

Quelques dessins en guise de dessert ?

Oui ! Il y a une mine de dessinateurs de tous pays sur le site Cartoonig for peace.

 

 Elle est iranienne Firoozeh

firrozeh001-copie

 

 

firoozeh-copie

Lui, c'est Dilem l'algérien

ls-7029-fd333

7123-18399

 

Et puis… et puis… roulements de tambours……… taradam-dam-dammmm !   Une miniature magnifique du XVIème siècle représentant le prophète Mahomet qui taille une bavette avec l'ange Gabriel ! Et oui, toujours les mêmes acteurs dans le feuilleton…

mahomet

14 janvier 2016