La semence, les semences. C'est THE sujet dans un farrago !

Ces graines qu'on tient dans le creux de la main, on fait une goulotte à planter naturelle en refermant délicatement la paume. Les graines glissent l'une après l'autre entre pouce et index dans le sillon qu'on refermera avec précaution, un peu de plombage, d'arrosage et puis c'est l'attente. On guette la première ombre verte qui vaut promesse de future récolte si on conduit bien notre petite affaire. En grand, dans un champ avec un gros tracteur et des outils qui ressemblent à des animaux fabuleux, c'est pareil. Un sillon, les graines qui se posent dedans une à une, une herse ou un rouleau qui referme derrière, faut attendre la pluie au lieu de trimballer l'arrosoir.  

Jusqu'aux années de fin de guerre, de "modernisation agricole" et de plan Marschal, il fallait acheter les semences chez le grainetier une fois. A chaque récolte, il fallait garder une part de grains à ressemer la saison suivante. Pour du blé, du tournesol, des fleurs qui font joli...... Pour toutes les graines donc c'était le même boulot pas trop pesant mais un peu délicat ; le stockage d'une saison à l'autre devait être soigneux mais à la portée de n'importe qui. Et même que certains en faisaient métier : trieur de semences à façon ça s'appelait.

Et puis, des petits malins ont inventé un truc pas croyable, les hybrides F1 ça s'appelle, pas bucolique comme dénomination pour de la graine ! Ils ont bricolé tout un tas de variétés pour obtenir des semences qui produisent pareillement des produits réguliers. Ç'en était fini des oignons biscornus, des tournesols à tout petit capitule, des cosmos à regarder à la loupe tant c'est petit naturellement. Quasi toutes les semences vendues en jardinerie pour les besoins familiaux sont des hybrides. Inutile d'essayer de récolter les graines des zinias en fin de saison, l'an suivant on aura des plans riquiquis qui ne fleuriront que si on le leur demande gentiment et encore c'est pas sûr ! Pour les paysans, même punition, plus question de garder la semence pour la saison suivante ; il faut racheter à la coop qui se frotte les mains, le "fabricant" de la semence lui se dore la pilule et arrose ses actionnaires.

Il ne faut pas bouder le progrès, ces hybrides ne sont pas des fauteurs de perte irrémédiable néanmoins il eut été malin de conserver deux filières et les paysans ont une bien lourde responsabilité dans l'affaire. Ils ont vu et cru que leur travail serait simplifié ; en un sens ce n'est pas faux mais ils se sont laissés bercer par des illusions, la semence facile finalement ça se paye cher tant en sous qu'en liberté d'entreprendre.

Maintenant ce sont les OGM que l'agro-industrie veut à toute force nous faire gober. Et depuis plus de vingt ans, tout le monde se bat pour ou contre. Fort mal débutée cette affaire ! D'abord, ça s'appelait très justement PGM pour Plante Génétiquement Manipulée. Le coup de "manipulée" ça ne passait pas du tout chez le consommateur, ça lui foutait la trouille un truc manipulé, ça faisait pas propre sur soi, beurkkk...... Et puis voilà t-il pas qu'on apprend comme ça bêtement entre deux résultats de loto que cette PGM contient un gène destructeur, sa graine ne pourra pas faire une nouvelle plante ! Ben merde alors comment qu'ils ont réussi ça les labos ? Bon, les labos ont réussi mais pas les publicistes qu'ont appelé ce machin mortifère Terminator. Alors ça c'était le pompon ! Un truc manipulé qui s'appelle Terminator et on voudrait nous le faire bouffer ? Pas encore si abruti que ça le consommateur !

Grosse cata industrielle, la firme qu'avait inventé ces deux belles boulettes se casse la gueule, ouf ! Ah ben finalement non, une firme encore plus grosse rachète pour une bouchée de pain de campagne les formules du bricolage génétique et se met à inonder le marché sous un acronyme plus doux, OGM pour Organisme Génétiquement Modifié, ça fait plus tranquille "organisme" et "modifié" faut croire. Elle pousse grave la grosse firme, elle va jusqu'à offrir gratos des semences aux paysans qui n'en veulent pas et traiter de crétin congénital tout humain qui essaie de poser des questions pour savoir si c'est convenable et intéressant ce paraît-il progrès. Elle donne clefs en main des textes de lois aux appareils législatifs pour que ses activités lucratives soient reconnues comme bonnes voire fortement préconisées. Voir une décision récente du conseil d'état à ce sujet.

Elle verrouille autant que faire se peut les débats, elle n'a pas tort au vu de ses intérêts parce qu'on en apprend de belles en tentant difficilement de comprendre comment ça marche ! Par exemple,  on peut s'apercevoir que si elle ne peut pas se reproduire la PGM, elle fabrique quand même des organes de reproduction. Les pollens peuvent aller vadrouiller où bon leur semble et se croiser avec qui ça leur chante dans leur famille d'origine. L'illusion du confinement et des distances de plantation fait bien marrer quand on constate qu'il existe des pollens de plantes tropicales enfermés dans les glaces polaires depuis des lustres ! Faut qu'ils les plombent leurs pollens d'OGM pour qu'ils restent sagement là oùsqu'on les a fait sortir ! Attention faut pas le dire ça sinon on passe pour un obscurantiste imbécile qu'aime pas les trucs du progrès qui avance.

Quand même c'est pas croyable, personne ou presque n'en veut de ces saloperies capables de supporter des désherbants systémiques sans broncher, qui font des graines stériles et qui risquent de contaminer des plantes encore saines. Alors quoi ? Alors rien ! Faut pousser à la conso, faut faire semer, faut faire avaler. Avec tout ce que ça a coûté comme recherche, on va quand même pas gâcher non ! Et puis, c'est bien pratique ces semences stérilisées, une arme parfaite. T'es bien gentil, bien sage, tu payes bien tes royalties, tes impôts, tu votes pour les types qui obéissent à la firme et tu as droit à ton stock de semences pour faire manger tes congénères. Si tu tentes de réfléchir, de regimber, de ruer dans le semoir ou d'envoyer chier les potentats qui te gouvernent mais obéissent aux agro-industriels qui tiennent les manettes, t'es foutu, t'auras rien à becqueter et point final. Arme parfaite, arf...

30 novembre 2011