Pas celle où se vautre obscènement un cargo maltais.

Pas celle où l'on tranchait les têtes, démembrait, écartelait selon l'humeur ; temps passé fort heureusement.

Pas celle où de pauvres gens tentaient leur malchance de se trouver à la journée un patron et un boulot merdique payé en queues de cerise pour survivre, temps heureusement passé aussi ; maintenant ça se passe à l'abri des regards dans des officines à l'enseigne de "pôle emploi".

Celle des salariés qui en ont marre, à tort ou à raison là n'est pas le propos, de se faire plumer, fatiguer, arnaquer, exploiter par leur employeur.

Entendu causer dans le poste de radio un triste voyageur qui abandonne son idée de vacances en Estonie pour cause de grève d'une partie du personnel d'un aéroport. Pas content le monsieur qui se demandait à haute voix pourquoi c'était lui qui trinquait à cause d'un conflit dont il n'a pas la moindre possibilité d'influence. Ah ben oui, voilà une question qu'elle est pas bête !

Pourquoi donc emmerder le populo quand on n'est pas content au lieu d'aller s'expliquer avec la direction ? Parce que ça a marché pendant des lustres peut-être.

Le droit de grève conquis de haute lutte fut une avancée considérable, c'était enfin avoir un moyen de pression conséquent contre des employeurs qui refusaient d'entendre les revendications et qui devaient les satisfaire par le dialogue d'après blocage. Mieux encore, il fut interdit aux employeurs de fermer les lieux de travail si les salariés se mettaient en colère. Pas moyen d'échapper à la grogne pour le patron qui devait bien finir par discuter avec ses gars-zé-filles parce que, l'air de rien il perdait un max de pognon avec son usine-magasin-commerce-atelier au repos forcé. 

Mais voilà-t-il pas que le monde change, qu'un petit président explique doctement que quand il y a une grève en France personne ne s'en aperçoit. Effectivement personne d'important comme lui ne s'en aperçoit parce qu'il y a toujours un plan B si l'avion de ligne ou le train restent à ronfler au hangar, une limousine et un chauffeur, un jet privé, un hélico, une trottinette.... Pour la trottinette je suis pas sûre...

La grève actuelle copiée sur les anciennes, les héroïques, ne gène plus que les gens ordinaires. Je râle, je suis pas content ben tiens, je fais grève, journée des bras croisés et toc... Et bien non, pas toc ! Une grève n'empêche plus l'économie de fonctionner, les actionnaires de gagner des sous avec de l'argent qui bosse pour eux, la finance ça fait pas grève, pas son genre et surtout pas le besoin !

Même une bonne grosse grève bien nationale comme celles qui se sont succédé contre la réforme des retraites des fonctionnaires n'a rien fait bouger.

Alors quoi ?

Maintenant le droit de grève accordé à toutes et tous n'est réellement possible que pour les fonctionnaires ou les employés d'une grosse entreprise. Si l'entreprise est en cours de déménagement ailleurs dans un pays à main-d'œuvre moins onéreuse ou que le matériel a déménagé dans le sombre d'une nuit, ça s'est déjà vu ça, pas la peine de se geler à battre le pavé, c'est foutu.

Alors quoi ?

Les petites entreprises, pas plus le patron que ses salariés, les agriculteurs, les artisans peuvent bien faire grève, il n'y a qu'eux que ça va emmerder.

Alors quoi ?

Bah chais pô moi..... On se croise tous et toutes les bras du plus jeune au plus vieux pendant deux jours, deux petits jours seulement. On choisit un moment propice à la promenade, les gars de la météo donneront le top-départ. Et puis chacun sort de son coin avec un truc à becqueter dans son cabas et rejoint ses congénères pour manger, boire, discuter, rigoler, échanger des bouquins, des idées, des bêtises.

Plus personne pour faire fonctionner un engin de déplacement, plus personne pour mater les séries télé, plus personne pour défiler devant la caisse du super-marché, plus personne à aucun poste avec un minimum d'organisation pour les secours, les soins, les nécessiteux évidemment.

Ne resteraient que quelques zozos dans leurs fauteuils club à s'emmerder ferme parce que même les ordis de la finance seraient en croix faute de maintenance et d'électricité, ça ne pourrait plus cracher des bulles de cash. Pourraient même pas demander un triple pur malt sur glace à Firmin les pontes vu que celui-ci serait occuper à compter fleurette à la cuisinière qu'a fait des profiteroles au chocolat pour tout le quartier.

Rien de violent. Que le désir, le plaisir de se retrouver des options communes et de réfléchir à comment les mettre en pratique.

Deux petits jours, ça ne serait pas la mer à boire quand même...

Parce que si on compte sur la grève maintenant, faut vraiment que tous les travailleurs s'y mettent mais quoi ? Ça ne fera que dix-neuf-vingt million de gens sur soixante-cinq. D'un côté les emmerdeurs qui cherchent à obtenir un gain personnel et de l'autre les emmerdés qui n'ont pas leur mot à dire sur la société dans laquelle ils surnagent.

Si les grèves historiques et les sacrifices consentis par les grévistes ont fait avancer dans son entier le bien-être général de la population, ce n'est plus le cas. Ne serait-il pas temps d'inventer d'autres méthodes ?

20 décembre 2011

Question subsidiaire : pourquoi tant de gens se barrent de chez eux dès qu'ils ont congé ? ils sont si mal chez eux ? si quelqu'un a la réponse... merci d'avance !