Mais par où commencer avec un mot pareil…  

Et puis d'abord, qui c'est qu'a pensé le premier à fermenter du jus de raisin, qui c'est qu'a pensé le premier à faire du jus tout simplement ?

Plus de deux pages dans le Littré pour ce tout petit mot qui peut avoir tout ou rien pour plaire. Le gros Petit Robert m'explique qu'il provient de vinum, liqueur de fruit en latin. Oui mais non, le vin n'est issu que du raisin ou alors je ne sais pas tout… Ah si ! Le vin de palme et puis peut-être d'autres. Oh et puis zut, je cause du vin de raisin et c'est tout.

Le vin, une foultitude de qualificatifs à donner le virou-virou bien avant d'avoir abusé du lever de coude. Tannique, aigre, pétillant, gras, doux, boisé ou pas, frais, bouqueté, j'en passe des tas, mon préféré c'est gouleyant. Gouleyant ça fait envie, une impression qu'en buvant il va se produire un petit bruit taquin dans le gosier, que ça va chatouiller légèrement, que ça va faire du bien et sourire…

Des couleurs, quatre. Avec des robes, rigolo cette histoire de robe comme pour la couleur de poil des chevaux. Des nuances fines dans chacune. Et puis parfois des bulles, des bullettes, des pétillances.  

Simple à boire, compliqué à comprendre. Ma seule appréciation scientifique sur la question c'est j'aime ou j'aime pas, ça simplifie ! Et puis si j'en savais trop… un brin de mystère dans le verre, c'est joli, non ?

Une visite de cave, c'est un régal d'avant, une promesse. Ces odeurs, les explications du vigneron passionné qui travaille sa vigne, élève son vin, le bichonne et sait si bien vous alpaguer avec ses mots qui susurrent à l'oreille qu'on ne va pas tarder à s'en jeter un derrière la cravate, évidemment le vin le plus exquis que la terre ait jamais portée, oui ça exagère toujours un peu un vigneron…

Oh pas la peine d'aller chercher bien loin des bouteilles onéreuses, un bon p'tit cru du pays fait par un paysan ou une petite coopérative qui connaissent la manière suffit amplement. Dans ce beau pays de France, on a tous un p'tit cru au coin de la rue, une bonne centaine de routes des vins, pléthore de caves, châteaux, chais et autres lieux propices prêts à satisfaire tous les goûts sans ruine. Quand la bouteille est belle et l'étiquette classe, c'est encore mieux, tout baigne presque.

Presque parce que si le vin est l'élément essentiel, qualité du vin dans la jolie bouteille étiquetée proprement, le plaisir ne serait pas complet sans commensaux tout aussi bien choisis pour partager, lever les verres, faire des souhaits, raconter des blagues et se marrer en chœur. Trinquer, boire en bonne compagnie, des instants incomparables.

Je lui verrai bien un petit inconvénient au vin, il me semble que les bouteilles ont tendance à disparaître. Je m'explique, c'est tout bien rangé, couché dans un endroit sombre et frais le mieux possible, bon. A chaque fois que je me dis : "tiens, je devrais sortir celle-ci pour la venue de Machin et Truc" je descends chercher mon choix et là, bizarre doublé de mystère et boule de gomme, la bouteille pensée a disparu ! "Oh non… on l'a pas déjà bue celle-ci… bé si… zutre…". Font pas de vieux bouchons les bouteilles par chez moi quand des amis se pointent.

J'aurais peut-être dû commencer par la vigne, c'est beau à toutes les saisons la vigne. Les rangs sont photogéniques, les couleurs vives abruties de chaleur l'été, les grappes joufflues, le feuillage qui rougit d'automne. En ce moment je guette, bientôt les bourgeons tendres vont débourrer. Débourrer pour des bourgeons de vigne, ha !

Ça me fait penser à tout l'argot qui tourne autour du goulot aussi ; le pinard, la vinasse, le picrate, le rouquin, le cassule, la piquette qu'on s'envoie dans un rade, un bistrot, un mastroquet ou bien un troquet tout court. Pas fait pour les grands crus tous ces vocables populaires d'usage au temps des kils de rouge dans les musettes ; du gros rouge qui tache mais pas que, des petits crus de terroir aussi, pas prétentieux mais bien sympathiques.

Je pourrais glisser vers tous les argots pour désigner les ceusses qu'auraient tendance à un peu trop abuser, les ivrognes. Je ne glisse pas, plombage de sujet en vue. 

Et puis les proverbes et puis les sacrements pour les crédules et puis les rencontres, les retrouvailles, les séparations et puis les fêtes, tout est prétexte à en ouvrir une.

Je n'ai pas su par où commencer, d'ailleurs ai-je commencé ?

Ne vaut-il pas mieux boire que faire discours de ce mot ci…

Je savais d'avance comment finir, héhé…

               Si tu donnes du vin à boire à la montagne

                elle danse. Vraiment, la vigne est sans défaut.

                  Je ne regrette pas de l'avoir pour compagne :

                    comment avoir, sans vin, l'éducation qu'il faut ?

                        Omar Khayyâm

20 mars 2012