Un ami aimant. Pas possible, ami provient de l'actif d'aimer, un ami aimant c'est choucroute et couscous dans la même gamelle !

L'amitié ne s'embarrasse pas de connotations affectives et amoureuses dans son sens contemporain.

Mémé disait : "trente-six amis, trente-six ennuis" pas encourageant, faut dire qu'elle avait connu deux guerres qui lui portèrent, entre autres emmerdes, des amitiés trop intéressées pour être honnêtes.

Pépé chantait à tue-tête, effectivement il nous tuait la tête : "avoir un bon copain, c'est c'qu'y a d'meilleur au mon-on-on-on-de ………mieux qu'une blon-on-on-on-de……" et je ne sais plus les paroles ; ben alors Pépé et les amis, c'est pas bien les amis ? Ah les amis, on les découvre quand on est dans la panade, il disait comme ça Pépé, la panade ;  il n'y avait pas plus pire dans la vie que d'être dans la panade selon lui… pourtant il s'en fabriquait une pas piquée des hannetons velus tous les matin dans un grand bol : lait, quatre biscottes beurrées, confiture, six sucres et un trait de café bouillant… dégueulasse… euh bon… on sort du sujet là… scusez… 

Or donc c'est compliqué l'amitié, ça attire les ennuis en rafale alors qu'il faut être dans la panade pour s'en procurer, pas gai, pas juste, pas faux… pas ça…

Pour se fabriquer un ami d'abord faire des rencontres, ça c'est simple. Dans le tas, il peut se trouver quelqu'un d'attirant on ne sait pourquoi ni comment et c'est là que ça se complique l'affaire. Trouver quelques affinités communes pour se constituer un socle et y déposer confortablement cette amitié naissante puis l'entretenir de près, de loin peu importe mais il faut l'entretenir comme d'un arbre de plein champ ; un poil de délicatesse fera éviter les élagages violents mais préférer l'arrosage par temps sec, le réchauffage par temps froid, l'éventail par temps chaud, bref faut s'en occuper ; ne dit-on pas d'ailleurs "cultiver une amitié" ! Comme professe à peu près le renard mon cousin :"si tu veux avoir un ami, t'as qu'à m'apprivoiser" c'est dans un bouquin de St Ex. Voilà c'est ça, faut s'apprivoiser mutuellement, cela n'empêchera pas forcément une bonne engueulade par-ci par-là qui permettra de se réconcilier et de fortifier le plaisir d'avoir à correspondre, se retrouver, grandir ensemble dans l'esprit, cultiver les savoirs, s'épauler dans les coups durs. En ceci mon grand-père n'avait pas tort, quand il arrive un coup du sort le véritable ami ne se défausse pas ; il peut s'en déclarer d'autres qu'on n'avait pas soupçonnés dans une période d'adversité, un plaisir bien humain quand la panade s'installe, un réconfort précieux, sans notions utilitaires, précieux c'est tout.

Parfois c'est filial un ami… l'ami de la famille. Mon "ami de la famille" à moi m'a m'acceptée sans barguigner et de bonne grâce dans le cercle de ses affinités ce bon vieux monsieur ; il avait des emportements tragi-comiques quand il parlait politique avec son accent grec inimitable, des yeux de chien battu à l'évocation de son épouse disparue, égrillards quand il s'agissait de jeunes femmes. Il a déposé sa part de ce qui m'a formée, constituée ; décidément c'est très précieux un ami, même celui qu'on trouve tout fait dans le cercle restreint des tout proches parents.

Un ami c'est le réservoir attentif de tout ce qu'on a à raconter d'intime, de difficile à dire voire à avouer, il avale sans jugement mais pas sans discussions. Se fier à l'ami plus qu'a soi-même est probablement une grande réussite en matière d'amitié.

Il parait que les bons comptes font les bons amis, ah ? C'est surtout qu'il ne doit pas y en avoir des comptes entre amis, c'est bien plus simple et sans douleur, que faire de comptes entre gens qui s'accordent tant et si bien ! Ne pas perdre de vue que tout est partage et réciprocité entre amis, peu importe qui prend part à quoi tel jour, tel autre sera différent.

Outre les charmants vieux croûtons, amis tout faits, il y a les amis d'enfance quand on a le temps d'avoir une enfance qui reste à la même place suffisamment longtemps, d'adolescence après… difficile à suivre au long cours, la vie sépare trop facilement au gré des études, du travail, des amours, etc… Il faut la faire vieillir dans la même veine intellectuelle et morale l'amitié de jeunesse, pas aisé ; la séparation n'est pas délibérée le plus souvent, elle devient sans qu'on l'ait sentie s'insinuer, tant pis.

Dans le vieux temps, ma mie ou m'amie c'était le mot joli d'un homme qui appelle son épouse ; de même une épouse gratifiait son homme d'un mon ami. Une bonne amie n'était rien moins qu'une maîtresse de cœur, un bon ami pareil dans l'autre sens.

Aujourd'hui, quand un quidam quelconque commence son discours par "chers amis", gaffi… surtout si c'est un politicard aguerri, il y a anguille sous la roche !

Parfois dans le feu d'une joyeuse réunion, on pourra s'entretenir d'amis à qui-mieux-mieux, les lampions de fête éteints, cela sera passé.

L'amitié, c'est du sérieux, du solide pour le partage, les expériences … tout ça et d'autres aventures de la vie encore…

Alors en vertu de tout ce que dessus, ne venez pas m'emmerder avec vos conneries de fesse-bouc, tweet-machin et autres lieux désertés de l'humanité la plus simple qui vous vomissent de l'ami par paquet de douze pour peu qu'on ait eu la mauvaise idée d'accepter sans savoir de paraître dans la liste d'un branchouillé quelconque qui n'est même pas mon ami dans la vraie vie, la seule qui vaille. Affichée dans une liste comme le paquet de lessive qu'il ne faudra pas oublier de prendre au super-machin ?… placardée sur le mur comme une vulgaire affiche électorale ?… Se voir attribuer des amis à marche forcée ?… même pas on a partagé une bière ensemble lors d'un meeting quelconque ! Même pas on s'est serré la louche, même pas nos regards se sont croisés une seule fois ! Un écran et pas de fumée celui-ci nous sépare irrémédiablement. Deviendrions-nous amis dans la vraie vie ? Avec un peut-être mais pas avec les paquets de douze qui aDOoooorent ce que vous faites……… Ah bon, j'ai fait quoi moi pour mériter pareille avanie ?

Vous les voyez vous, Montaigne et La Boétie se calculer sur fesse-bouc, s'échanger des photos de vacances merdiques, les photos pas les vacances encore que……… bref, "parce que c'était lui, parce que c'était moi" ça n'est pas venu tout seul d'un coup de clic dans la termitière où tous s'agitent sans rime ni raison.

Allez vous faire voir ailleurs bande de faux-amis, vraies victimes de la mode du réseau "social" dont je me demande bien ce qu'il peut avoir de social ce cyber-espace coté en bourse, arf……

12 septembre 2012