Ah ça ! Je n'ai pas regretté le déplacement…… Fallait crapahuter dans la brousse vu que les keufs grouillaient comme un jour de foire à la volaille, vu que les autochtones commençaient à être fumasses et coursaient tout ce qui ne ressemble pas à un natif de Corbières, vu que fallait se faire discret un max si on voulait approcher au plus près des événements. Avec mon pif de goupil, j'avais intuité que les trucs et choses qui allaient se passer étaient grave top-secret et que les acteurs du chaos ne seraient pas des plus aimables s'ils me trouvaient dans leur sphère d'activité. Fallait la jouer finotte quoi !

Or donc me voilà partie pour l'aventure équipée comme il se doit, c'est-à-dire comme d'hab, on verra ce qu'on verra et hop…

En bonne goupil avisée, j'ai bien évidemment déjoué tous les pièges, j'ai pas paumé mon appareil-photos, j'ai pas perdu le nord non plus, ça baigne y a plus qu'à attendre.

Ha mais oùsqu'elle est allée se fourvoyer que vous vous demandez !

A Bugarach pardi ! C'était hier the place to be comme on dit en bon français dans les quartiers bobotistes de la grande Babylone ; héhé, j'y étais… z'êtes jaloux j'suis sûre…

J'ai dû attendre des plombes coincée dans un incommode recoin pierreux, c'est tout rien que du calcaire à trous par là-bas mais je n'ai pas regretté le déplacement, pouvez être sûrs. Si je m'étais munie de quelques boutanches et de plus de clopes, l'attente eut été moins longue.

A vrai dire heureusement que j'ai l'ouïe fine parce que je me suis passablement assoupie. Quand une manière de petit craquement s'est fait entendre pas loin d'où j'étais vautrée, je me suis remis rapido-vit'fait les sens en état de marche. Une frêle silhouette glissait furtivement presque sous mon pif, nom de nom ! J'avais le poste d'observation le plus top qui se puisse faire, youpi ! Deuxième silhouette puis troisième puis… finalement une tapée de frêles silhouettes. Je me suis glissée le plus doucement possible dans la queue du cortège…… et oùsqu'ils vont ces types, et qui c'est, et ils ont le droit eux d'aller au pic, et… que de questions !

Je tentais de cheminer le plus silencieusement possible mais la nuit était bien sombre et les cailloux bien traîtres ; la chance me souriait en grand car un vent à décorner tous les cocus du quartier emportait les bruits que je pouvais commettre. Par contre, il ne m'éclairait pas aussi je finis par butter assez violemment pour me casser la gueule et m'étaler de tout mon long sur le furtif de devant qui lui-même s'affala sur l'autre qui lui-même……… Et oui, c'est d'une banalité à pleurer, je chus et quand on choit ainsi on fout toute la queue-leu-leu par terre. J'étais aux trente six diables à risquer la nuit de ma vie et voilà t'il pas que j'enclenchais le gag le plus éculé de la galaxie, arf…

T'es pas dans la merde ma pauv' goupil que je me serinais en me relevant ; aucun mal à déplorer mon furtif était du genre mou, il m'a bien amorti le bougre. Bon c'est pas tout ça mais ils ont l'air furax, aïe… Bizarre, je n'entends rien, c'est des taiseux ou bien ils n'ont pas de parole ou bien ils émettent en infra-sons ou bien…… dans l'immédiat ça m'arrangeait je ne me faisais pas engueuler !

Et puis quand même je sentis une tension impalpable qui grimpait, j'étais dévisagée par des tas d'yeux brillants, ah tiens ! Ils sont nyctalopes. Quoi faire ? Bah ce que je sais faire de mieux pardi, bavasser !  Je m'empressais d'expliquer que je ne suis pas comestible, que j'ai largement dépassé la date de péremption, que je suis du pays et que j'allais au pic me chercher des herbes à tisane (plus c'est gros plus ça passe) que je suis bien aise de rencontrer des étrangers, j'adore les étrangers surtout des qu'ont la tronche de travers, plusieurs yeux par paupière, qui lévitent au ras des gadins, qui sont tout mous et pourvus d'antennes téléscopique…… bref, je tentais de gagner du temps sans réfléchir sur quoi il fallait le gagner. Finalement ces furtifs étaient bien civils, ils ont faits comme tout le monde. Quand ils en ont eu leur claque de mes bavasseries, ils ont repris leur chemin comme si de rien n'était. Sans saisir par quel ordre, j'étais sommée de marcher en milieu de cortège. De même je n'avais plus du tout envie de parler, certes j'avais épuisé les possibles en la circonstance mais normalement même dans l'adversité, je suis intarissable !

Mes réflexions sur ce qui pourrait bien advenir de ma modeste personne furent stoppées comme notre marche devant le grand rocher à gauche du chemin de crête. Ça commençait à craindre pour mon matricule, non ?…… Ah ben non ! Rien à cirer de moi les furtifs… limite je m'en serais vexée mais bon je ne m'en sortais pas trop mal jusque là, fallait pas trop la ramener.

C'était marrant leur façon de se mouvoir, presque élégant… et si je tentais une photo ? Pour un coup la prudence gagna sur l'envie, je restais tranquillement assise sur un petit gadin à observer et tenter de comprendre l'agitation qui allait grandissant dans le troupeau. Il y avait comme du mou dans la corde à nœuds, je le sentais sans vraiment comprendre, ils leur manquait un truc ?… ils avaient oublié d'acheter les souvenirs de vacances ?… perdu la clef de la soucoupe ?…

Z'allez pas croire et pourtant… De même que pour l'ordre de marcher au centre de la file ou de fermer mon clapet cinq minutes, je compris qu'ils avaient un soucis pour ouvrir la porte. Bah oui tiens, la porte ! On commençait à se les geler sévère plantés devant un roc millénaire et on avait une embrouille de serrurerie ! Ma parole mais ils me prenaient pour une truffe, des vrais touristes !

Les traiter de touristes, c'était peut-être un poil pas futé, ils ont semblé entendre ma pensée… merde, on m'encercle et… on me demande si j'ai un couteau… un couteau ? Je devais avoir l'air d'une poule qui vient d'en trouver un, ça c'est sûr ! Un couteau, mince alors…

Oui, j'en ai un de couteau et pas n'importe quoi s'il vous plaît ! Un suisse, un vrai mais blanc à croix verte, rare le surin offert par un délicieux vieux monsieur suisse-toto il y a bien longtemps. S'ils imaginent que je vais leur céder pour des nèfles mon beau couteau qui me suit partout, ils peuvent se la brosser un moment leur espèce de crinière bleue frisée à la con !!!

Comment ça s'est trouvé, je ne sais mais toujours est-il que je m'escrimais à gratouiller au couteau la pierre à chaque endroit montré par un furtif ; je reniflais le coup qu'il fallait rester calme et pas les chambrer, ils commençaient à chauffer les gonzes… je dis ça, je n'en sais rien, c'était peut-être des filles.

Ça a duré, duré, je n'en pouvais plus le nez collé à ce rocher… j'abrège… j'ai fini par gratter là où ça allait bien, une vaguelette de satisfaction flotta dans l'air et celui qui me donnait des ordres m'écarta sans menace. Il m'expliqua toujours sans que ça me passe dans les oreilles que grâce à moi et mon couteau, ils allaient pouvoir ouvrir la porte et aller chercher leurs véhicules, que c'était bien sympa de ma part et à la revoyure ma bonne dame.

J'en suis restée comme deux ronds de frite, persuadée que j'étais d'être kidnappée, auscultée, dépiautée… rien, nada, que nib… ça alors, pas croyable ! 

Ne me demandez pas comment la porte s'ouvrit ni le reste, je n'en ai aucun souvenir. Ai-je été hypnotisée, sidérée par quelque artifice ? Je ne sais pas, le seul truc que je me vois faire c'est d'allumer l'appareil et de prendre un cliché de la sortie des véhicules par la grande porte béante. C'est dingue ça quand même !

 

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Et ils m'ont fait ça en couleurs complémentaires s'il vous plaît ! La classe………

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Epilogue

Bien évidemment rien de tout cela n'est advenu ! Bien évidemment je n'étais pas à Bugarach si loin de mon terrier. C'est faribole et compagnie, un chapelet de sornettes ; je vous parie néanmoins trois pixels dorés qu'il y a bien un jour un monsieur ou une madame issus de la grande lignée des Connaud de la Crédulière qui croiront dur comme fer aux billevesées de dessus……… peut-être même qu'ils piqueront mon montage photo… je me marre d'avance !

22 décembre 2012