Elle m'a bien pris deux heures de temps la vie moderne connectée, carte-bancairée, virementée… mouvementée oui !

J'ai le vif plaisir de connaitre depuis une quinzaine d'années des jeunes gens bien sous tous rapports surtout sous celui de savoir s'organiser en voyageurs pas ordinaires, utilisant les moyens du bord et la débrouillardise : logistique légère de leur soif de connaissance d'autres peuples, d'autres façons, d'autres paysages. A peine rentrés d'aventureux périples Australie-Nouvelle Zélande le porte-monnaie criant famine, ils se remettent au boulot tant en rêvassant à leur prochain itinéraire. Vous en saurez plus à la fin de ma bafouille.

Quel rapport entre le monde connecté et leur future aventure me direz-vous ?… Ben voilà… ces jeunots vivent avec leur temps et décident d'utiliser la méthode du crowdfunding pour compléter la cagnotte nécessaire à leur ambition… jusque là tout va bien. C'est quand, disposant enfin de quelques minutes dans le même temps que ma liaison satellitaire est en forme, je me décide à glisser mon obole sur la page KissKissBankBank de leur projet que ça commence à merder dans les grandes largeurs.

Rien de plus simple pourtant… et hop je m'inscris… et zut mon totem est déjà pris… et c'est pas grave j'ajoute un bout à mon isatis et voilà… un code secret, encore un, à inventer et l'affaire est faite… ah ben non…

Je passe sans difficultés les cadres à garnir, j'appuie sur le machin qui va bien pour confirmer que non je ne suis pas là par hasard ni force et que oui je veux déposer des sous. Je clique sur l'icône de mon service carte bleue, encore dix secondes d'efforts et une bonne chose de faite… pas du tout, ça serait trop simple ! Ma banque me signale qu'elle m'envoie un chiffrage par sms pour valider… bon… j'attends… j'attends… enfin le vroom-vroom tonitruant d'un sms arrivé à bon port, a y est j'y suis. Euh… finalement non.

Je tape le chiffrage et ça ne fonctionne pas, c'est mentionné en rouge comme si j'avais commis une faute à la dictée en classe de maternelle supérieure ! Merde… je recommence en me disant que j'ai la vue qui baisse, les doigts malhabiles ou je-ne-sais-quoi que j'ai foiré… et non, pas encore pour cette fois ! En rouge toujours : attention troisième et dernier essai… Palsambleu, j'en foutrais bien un quéqu'part d'essai moi !!!

Cependant que je commence à fulminer sévère un deuxième vroom-vromm sms… ben v'là aut'chose… pfff… ma banque m'envoie un deuxième chiffrage… ah bon… je m'exécute et les mêmes admonestations rouges s'affichent… ça commence à me courir sur le haricot et je vais laisser tomber quand un troisième sms tombe avec encore un nouveau chiffrage… non mais… pincez-moi je rêve ! Au point où j'en suis j'essaie et paf, encore raté. Une nouvelle page m'indique gentiment que mon paiement est refusé et que je ne pourrai plus rien payer par internet en carte bleue avant l'expiration de la date de validité de celle-ci. Mais je m'en fous bordel de merde !!! Je veux filer trois ronds aux gamins, c'est quand même simple à comprendre ça !
Un numéro de téléphone non surtaxé permet d'appeler le service ad hoc de ma banque en cas de problème. Effectivement j'ai un problème c'est le moins qu'on puisse dire. Si je dois de nouveau passer par internet pour acquérir un truc important j'suis dans la panade, ma carte n'expire que dans trois ans. Au point où j'en suis j'appelle. Après une longue attente en compagnie d'un message automatique qui me vrille les esgourdes, une charmante dame répond. Je l'informe de mes affreux déboires : "attendez une seconde je regarde…" et vlan la communication est coupée. Y a pas à tortiller, c'est mon jour de veine. Comme je suis têtue, je m'y remets et me re-vrille les oreilles un bon moment. Enfin une autre charmante dame répond, la communication ne se coupe pas, ça va se régler en trois coups de cuiller à pot.

Pas du tout comme bien vous l'imaginez.

Elle ne comprends pas ce qui a pu se passer, me demande jusqu'à friser l'insolence si je sais bien me servir de l'outillage que j'ai sous le pif et se perd en conjectures. En désespoir de cause, elle va me rappeler ultérieurement après avoir demandé à un chef une levée de protection temporaire sur ma carte histoire que je puisse valider avec un numéro de moi seule connu.

Il semblerait que la chance ait tourné : la dame a rappelé comme convenu, m'a assuré que je pouvais exceptionnellement utiliser un numéro qui reste valide quelques heures et m'a souhaité un bon après-midi. Vite-vite-vite je saute sur la souris, je file récupérer la page du projet, je tape frénétiquement et zou… ça marche, youpi !

J'aurais farfouillé dans mon sac pour trouver mon chéquier, garni une formule et un mot doux, glissé le tout dans une enveloppe confiée aux bons soins de la Poste, j'en avais pour trois minutes, méthode triviale qui fit ses preuves autrefois.

Moralité, mieux vaut être têtu-obstiné-résistant dans ce monde connecté loin de fonctionner à merveille comme ses instigateurs veulent bien nous le faire accroire.

C'est pas le tout de lire mes vociférations, faut que vous alliez voir par ICI les détails du futur voyage. Et pourquoi pas y glisser votre obole vous aussi ça vous donnera peut-être l'occasion d'entendre la jolie voix d'une charmante dame qui vous aide à vous dépatouiller du paiement en ligne, qui sait ?

7 août 2015