Il faisait presque beau, la petite bise aigre ne nous dissuada pas d'une balade dans les bois ; avec quelques voisins-voisines nous voilà partis au trop lent rythme des moins bons marcheurs, occasion de discuter de tout et de rien sans perdre haleine. En ces temps de matraquage pénible en vue des prochaines élections présidentielles, le sujet s'est imposé mais la conversation languissait, l'intérêt n'était pas au rendez-vous c'était histoire de causer… quand enfin en guise de conclusion l'une d'entre nous finit par s'exclamer avec un large geste : "c'est cette mondialisation là… tout ça……" faute de trouver des explications cohérentes à la vie comme elle va, elle mis sur le dos d'un mot tous les maux à venir en sus de ceux déjà livrés.

 

Ah un président peu me chaut ! quant au statut d'électeur… boarfff… m'enfin… pourquoi le cri du cœur de cette brave dame à l'encontre de la mondialisation et puis d'abord c'est quoi la mondialisation ?  Au CNRTL il s'agit de : "action, fait de donner une dimension mondiale à quelque chose" c'est clair quoique fort concis, précision importante le mot est apparu en 1928 et son transitif mondialiser en 1964. L'Académie donne deux définitions : "le fait de se répandre dans le monde entier, de concerner toute l'humanité" puis un nouveau concept "la généralisation des relations internationales dans les domaines politique, économique et culturel." Chez Larousse on ne s'embarrasse pas d'humanité au premier chef : "élargissement du champ d'activité des agents économiques (entreprises, banques, Bourses) du cadre national à la dimension mondiale." néanmoins rangé dans le registre géographique il est précisé : "interaction généralisée entre les différentes parties de l'humanité." Inutile d'ouvrir le Littré, ce mot n'avait pas cours à son époque. Je suis allée fouiller, une fois n'est pas coutume, chez Sciences Po… eh oui ! ou il est précisé : "En 1983Théodore Levitt définit la mondialisation comme « la convergence des marchés qui s'opère dans le monde entier »". Au premier chef phénomène mondial à fort penchant économique donc.

 

J'aurais bien pu m'épargner ces recherches tant chaque jour les informations et renseignements que je vais glaner confortent ces définitions. Les grands investisseurs, les industriels font promener leurs capitaux où bon leur chante cependant qu'un simple humain pour aller d'un pays à l'autre se doit d'obtenir un tas de paperasses prouvant son droit au voyage. Encore que chaque humain n'est pas égal dans le droit au déplacement, loin de là !
Le phénomène n'est pas nouveau. L'empire romain commerce tout autour de la Méditerranée voire au-delà. Le père de Marco Polo au XIIIème siècle, et ses compatriotes vénitiens bien avant lui, commerce avez les lointains asiatiques. Les territoires découverts et cartographiés par les navigateurs-découvreurs attirent les marchants dès le XVème siècle. Avec le XIXème siècle et l'industrialisation, les échanges économiques s'intensifient encore. Les empires britanique, français et portugais s'étalent partout ou presque. Les chinois, indiens, africains devaient bien en faire autant dans leur coin de planète mais le commun n'en sait trop rien tant l'Histoire du monde que l'on nous sert reste centrée sur notre occident.
Aujourd'hui le monde occidental ne tient plus le premier rang, il faut composer avec les asiatiques et dans une moindre mesure avec l'Afrique qui peine à s'affranchir de l'ancienne tutelle coloniale mais finira bien par y arriver. Alors quoi… oùsqu'il est le problème… à priori cette évolution devrait être profitable pour tout un chacun. Sauf qu'on en est toujours aux temps de Niccolo Polo : le petit chinois trime pour le gros qui doit produire au plus juste pour l'occidental qui veut inonder ses congénères de tas de produits parfois futiles… le petit africain trime pour le gros dans une mine ou à pomper du pétrole que l'occident achète si peu cher, dans le cadre économique de l'Europe le roumain de base bosse pour des nèfles. Et puis le petit russe, philippin, etc. De grosses fortunes se constituent sur le dos des pays à bas coûts de production qui génèrent de grosses marges à la revente dans des pays à meilleur niveau de vie. Dans la suite logique capitaliste pure et dure une grosse fortune se doit de naviguer astucieusement dans les paradisiaques lieux peu imposables : payer des impôts, pouah ! abonder le budget de l'état, fi ! N'oublions pas au passage les commissions occultes déversées sur les hauts politiques histoire de fluidifier certaines transactions pas simples voire frauduleuses. La soit-disant crise économique qui nous est chantée sur tous les tons dans toutes les langues n'est qu'un système de gouvernance bien mondialisé lui.
Je caricature ? Oui, du raccourci vit'fait su'l'gaz… profusion de textes d'érudits permet de se renseigner bien plus finement que mes balourdises, mes congénères m'agacent tant aussi ! Les uns idolâtrent un sauveur sachant sauver, du moins il le professe, les autres crachent sur notre fonctionnement et sont prêts à livrer le pays aux pires infamies possibles, la majorité est fort décontenancée.

 

A l'heure du choix qui enverra le futur roitelet sur le trône de France, pas étonnant que ma pauvre voisine soit déconcertée ; issue de vieille famille de terroir viticole prospère et cela va quasi sans dire "de droite", elle avait en tête un candidat tout désigné bien propre sur lui et bien catho-tradi. Las le bougre d'animal cachait son épouse, les revenus d'icelle, ses gosses et leur argent de poche… quand on apprit qu'il se fait tailler des costards hors de prix généreusement offerts par un sulfureux facilitateur d'affaires, qu'il copine grave avec un patron d'assurances privées rêvant la suppression de la Sécurité Sociale, ça a jeté un léger froid sur ses convictions à la dame. Lui est apparu un fait têtu, la mondialisation n'y est pour rien dans les petites saloperies ordinaires que se permettent quelques élus sans scrupules alors que leur fonction est de réguler, orienter, canaliser les appétits trop voraces pour que perdure nos Liberté-Egalité-Fraternité.
Elle pourrait se reporter sur le petit banquier, le Lecanuet du moment mais non, il est trop à gauche… les bras m'en tomberaient si je n'en n'avais pas besoin pour marcher en rythme… trop à gauche… bah mince alors ! Au moins elle m'a fait rire c'est déjà ça.
La nationale-socialiste… non, elle ne lui plaît pas… ouf, c'est déjà ça derechef.
Or donc : "c'est cette mondialisation là… tout ça……"  Mais j'y pense… en fait… peut-être n'a t'elle pas osé s'exclamer que "c'est tous ces étrangers là" qui viennent bouffer le pain du bon français ? Hélas l'antienne est encore moins neuve que celle de la mondialisation, Fernand Raynaud en son temps…
Ah elle a bon dos la mondialisation, ah il a bon dos l'étranger ! Quand donc comprendront les dames dont les repères paysans s'écroulent qu'il faudra bien plus qu'un bout de papelard dans une urne pour que l'humanité vive un tant soit peu en harmonie ?… je pousserais bien quelques cris glaçants,  l'isatis en possède une belle gamme mais à quoi bon… je vais me contenter de soupirer en m'envoyant un godet, ça sera plus plaisant.

19 mars 2017