Dans l'ivresse mortifère de ces jours pénibles de cette année merdique, je préfèrerais nettement décaniller sur une planète vierge et tranquille qui n'aurait pas eu la malencontreuse idée d'inventer l'homo sapiens sapiens… oùsqu'elle est la sapiens ?
 
Mais non, décapiter puisque c'est l'horrible mode du moment.
Le CNRTL me dit : Trancher la tête d'un condamné à mort. On usait aussi du terme décollation. Couper le cap, tailler le col… je préfère nettement, foin d'ellipse, la version de Monsieur Badinter qui, grâce à sa pugnacité et son verbe a fait cesser cette barbarie institutionnelle de "couper un homme en deux".
Un gros orage, phénomène naturel, arrive parfois s'il est tant colère à décapiter un arbre.
Au sens figuré, décapiter une institution ne fait pas bien mal et parfois du bien ! Son organisation criminelle fut décapitée lorsque cet andouille d'Al Capone se fit choper uniquement parce qu'il avait oublié de payer ses impôts, ridicule le capo Capone !
Monsieur Rey, récemment disparu sans faire de bruit, explique que le mot vient simplement du bas latin decapitare : enlever la tête de.
 
Pour l'heure et malgré l'âge qui s'avance, je n'ai encore décapité que quelques plantes un peu envahissantes, deux-trois fleurs le long d'un chemin en marchant dans la cambrousse ; je suis dans l'incapacité totale malgré mes quelques dons d'imagination de songer à ce que cela peut procurer comme sensation de couper une personne en deux, de la décapiter. C'est indicible une horreur pareille.
Et pourtant… quelque décervelé, abruti, crétin, fanatique est capable de prendre un couteau, un grand, s'avancer tranquillement vers un inconnu et lui appliquer le fer si puissamment qu'il le coupe en deux. C'est sidérant.
 
Après les massacres de masse de 2015 et 2016, il est sans doute devenu un peu difficile d'organiser une bande de bras cassés munis d'armes de guerre pour dézinguer à tout va histoire de foutre la trouille au monde.
S'attirer les bonnes grâces d'un benêt, lui bourrer le mou tant et si bien qu'il va aller découper de l'humain en deux est plus facile d'autant que l'arme de la tuerie, un simple couteau de cuisine, est à la portée de n'importe qui.
Après tout, les pilotes des avions qui ont percuté les tours jumelles à New York ont été circonscrits par des tarés à cutter, de modestes cutters et de monstrueux tarés. Les vieilles méthodes reviennent au goût du jour pour l'enturbanné barbu de base, celui qui tire les ficelles de son pantin égorgeur.
 
A Nice, une ville que je connais fort bien, monsieur le maire s'apitoie, s'émotionne et s'indigne après le carnage à la basilique de l'Assomption. Il se gargarise au passage de l'utilité de ses caméras de surveillance.
Que n'ont-elles servies lorsqu'en 2016 un camion circulait tranquillement sur la promenade des Anglais (absolue interdiction des camions et fourgons tôlés sur cette voie depuis plus de trente ans) histoire de repérer comment s'y prendre pour faire quatre vingt six victimes d'un coup.
Des tas de grosses légumes nationales sont venues verser la larme et le bouquet : des "plus jamais ça" et des "on va sévir" des "on va voir c'qu'on va voir" à n'en plus finir.
Il me revient à l'oreille le doux babil du brutal Pasqua : "on va terroriser les terroristes" … mouais… le sieur Poutine susurrant bien campé sur ses p'tites pattes : "les Tchétchènes je vais les buter jusque dans les chiottes"… hummm…
Je serais presque tentée d'écrire qu'à quelque chose malheur est bon, ce qui est inique à l'égard des victimes, mais ne sais comment dire : monsieur le maire de Nice a fait faire un progrès considérable au jargon réducteur du politicien moyen ; il a fort à propos employé le terme d'islamo-fascisme à condamner, ça change de ce soi-disant islamo-gauchisme locution creuse, vaseuse et sans signification dans notre géopolitique.
 
Or donc des tas de ministres, préfets et autres casquettés se sont recueillis, désolés peut-être sincèrement devant la basilique comme plus avant à l'école d'un professeur ou à l'église saint Etienne du Rouvray, le Bataclan, Charlie-Hebdo, l'Hyper-casher, le carrefour routier où une fliquette s'est fait dessouder, devant le commissariat d'un couple d'inspecteurs de police assassinés… la liste est bien trop longue.
 
 
Ce peut-il que nos gouverneurs (gouvernent-ils ?) se demandent parfois pourquoi ils conversent et commercent très lucrativement avec les dirigeants des pays commanditaires de ces atrocités, pourquoi ils vendent des armes en notre nom à des musulmans qui envoient nos missiles sur la tronche d'autres musulmans ?
Plus tôt au siècle dernier, pourquoi ont-ils accueilli avec tapis rouge et moult génuflexions un ayatollah  dans la petite cité de Nauphles-le-Château avant qu'il ne dévaste un peu plus le beau pays d'Iran, pourquoi ils ferment au mieux leurs grandes gueules devant les expulsions de palestiniens de leurs terres, au pire encouragent le fort autocrate premier ministre israélien à continuer ses exactions bafouant ainsi des années de résolutions onusiennes, pourquoi ils pactisent avec le grand turc qui n'aime rien tant que de nous traiter de moins que rien ? Négocier par derrière avec des salafistes et des frères musulmans, pleurnicher par devant, c'est remarquable la politique extérieure de mon pays.
 
Dans tout ce sang et ces malheurs, il y a comme toujours un côté non pas amusant loin de là ! mais affreusement burlesque.
Des musulmans pas très évolués du turban partout dans le monde se sont insurgés contre la France et son président qui a discouru pas trop mal sur l'islamisme politique en prenant garde de ne rien dévoiler d'un éventuel plan pour éradiquer ces connards de notre sol ou de s'en protéger. Le grand défouloir carnavalesque habituel des braves gens du bout du monde qui ne savent peut-être même pas où se situe notre pays… et vas-y que je te brûle notre drapeau national et vas-y que je te tatane à coup de babouches le portrait du président… entre nous, ça me fait doucement rigoler ces grotesques pitreries.
Il est fort curieux que ces fiers imbéciles qui suivent ce que l'imam du quartier professe ne protestent pas contre la Russie qui a mis en coupe réglée les Tchétchènes, la Birmanie qui opère le génocide des Rohingyas, la Chine qui massacre les Ouïghours s'ils ne se plient pas au dictat en cours, Israël qui raye doucement mais sûrement de la carte les territoires Palestiniens, l'Inde hindoue qui tente l'éviction des musulmans ou encore de l'Arabie Saoudite qui pilonne le Yémen. Ajouter les attentats réguliers au Pakistan ou en Afghanistan pour faire atroce mesure.
 
 
Je me permets de souligner que toutes ces haineuses exécutions de fous d'un dieu aussi quelconque que les autres sont perpétrées à cause de quelques dessins, des crayonnés sur bout de papier… et l'on tue pour ça ? pas vraiment, il s'agit surtout de nous ratiboiser les ailes du désir de caricaturer, se moquer, envoyer de joyeuses flèches inoffensives à la face du monde pour en souligner les travers ; une certaine liberté laïque que ne peuvent supporter les suppôts de dieu, n'importe lequel.
Je me permets de souligner que les premières victimes et les plus nombreuses des fous d'un dieu aussi quelconque que les autres sont les musulmans eux-mêmes.
Je me permets de souligner qu'il est un peu stupide de pourfendre l'Islam en son entièreté. Quel Islam ?
Un jour que je rôdais en terre étrangère, un brave gars m'expliquai que tout ce qui se raconte en France c'est contre l'Islam, c'est "pour salir l'Islam" disait-il littéralement ; "ah bon lui répondis-je, lequel d'Islam ?" Comme il bafouillait, je lui demandai des précisions, Islam prôné par les chiites ou les sunnites, malékites, soufis, ibadites, druzes, mozabites, ismaellites, halévites ?… et j'en oublie forcément n'étant pas assez versée ni studieuse pour tout retenir.
 
 
Dans le marasme ambiant, je vais souvent me réfugier chez les sites des journaux étrangers de langue française histoire de comparer les points de vue, recouper les sources ; après la mort du professeur, je fus assez surprise et plutôt ravie de lire des articles critiquant vertement les exactions déistes et surtout contente de lire les commentaires des lecteurs. Ils ragent autant que moi ! En Tunisie par ICI ou en Algérie par ICI, il faut sans doute chercher les articles un peu loin dans les pages, ça vaut le coup ils sont rafraîchissants.
Pour des analyses un peu pointues de ces problèmes géopolitiques pour lesquels je suis facilement dépassée, perdue et désolée, je me réfère à l'excellent Orient XXI
 

Avant-hier c'était la grande cérémonie pour honorer des morts, malheureux braves gars envoyés à la boucherie guerrière par les politiques du moment :

Si par malheur ils survivaient
C’était pour partir à la guerre
C’était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps de souffle d’un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? *

et ça se tient au garde-à-vous les gouvernants (gouvernent-ils ?) et ça fait transporter des gerbes de fleurs aux trois couleurs du drapeau et ça attrape froid dans les courants d'air alors ça ravive une flamme. Ça pousse le bouchon jusqu'à exhumer un cercueil d'écrivain de son cimetière jusqu'au Panthéon, grosse boursouflure néo-classique où l'on range les "grands hommes" ; ah ça ! un Genevoix parmi les Voltaire et autre Jaurès, Moulin  ? ça n'est pas à Dorgelès que ça arriverait d'être honoré pour ses écrits sur la guerre de 14-18 !

 

Aujourd'hui anniversaire des attaques de 2015 alors ça se tient au garde-à-vous les gouvernants (gouvernent-ils ?) et ça fait transporter des gerbes de fleurs aux trois couleurs du drapeau et ça attrape froid dans les courants d'air, il n'y a pas de flamme pour ces morts ci.

L'an prochain iront-ils gerber de bleu-blanc-rouge tout nos lieux d'horreur ? ou bien… renvoyer à leurs chères études les enturbannés, cesser commerce et gais soupers avec les pays commanditaires ?

 

Toutes ces horreurs  dont l'amorce fut quelques dessins, des crayonnés sur bout de papier…

* chanson de jacques Brel 1977

13 novembre 2020