Il me trotte dans la cervelle depuis un moment ce mot… des mois que j'y pense, que je le tourne dans tous les sens. Les oppositions à la chancelière allemande sur l'accueil de réfugiés ou le vote britannique pour sortir de l'union européenne (entre autre) ramenaient à tout bout de phrase ce substantif, le résultat de l'élection à la présidence des USA en rajoute une couche bien balèze !
C'est perturbant car au premier abord il a l'air très comme il faut ce populisme, de populus signifiant peuple, sympathique et pas bégueule.  Le peuple c'est moi c'est toi c'est nous. Allez hop, farfouillage dans les dicos.
Dans la littérature selon le CNRTL qui n'est pas démenti par ses collègues : "École littéraire qui décrit avec réalisme, dans des romans, la vie des milieux populaires." Le genre n'est pas anodin qui a donné lieu à la création d'un prix littéraire décerné une première fois à Eugène Dabit pour son célèbre roman : Hôtel du nord. D'autres lauréats ont suivis et pas des moindres qui croquaient la vie des gens, rompaient avec la littérature chichi qui débite jusqu'au bout de l'ennui les affres de la haute bourgeoisie peuplée de personnages fats fortunés fêtards et fainéants. Suite de la définition : "Courant pictural et cinématographique qui s'attache à dépeindre la vie des milieux populaires", littérature, peinture et cinéma se partagent d'explorer le monde comme il va.
Historiquement le populisme est un mouvement russe fin XIXème créé pour contrarier le tsarisme, un mouvement qui s'appuie sur les désirs du peuple ; on a vu ce qu'il en advint mais c'est un autre sujet. Bon ça y est j'ai appris quelque chose : ça arrive de chez les ruskoffs qu'étaient grave pas contents de leur régime tsariste.
Ignorante de ce pan de l'affaire, j'étais intuitivement méfiante envers ce mot que se jettent à la tronche les politiques qui nous pompent l'air et nous le rendent pollué. Suivant la définition politique : "Tout mouvement, toute doctrine faisant appel exclusivement ou préférentiellement au peuple en tant qu'entité indifférenciée."  A priori une bonne grosse démocratie directe qui rabattrait le caquet des professionnels du mandat électif ne serait pas à dédaigner. Le gros soucis c'est que ce pauvre substantif a perdu la tramontane ; la plupart du temps utilisé péjorativement son essence populus s'est évaporée. Il s'use à tout coup pour désigner les démagogues qui fleurissent leur discours pour embobiner le populo de promesses à la graisse de pithécanthrope, flatter les bas instincts primaires -racisme, xénophobie-pseudo insécurité dans les oreilles pas très attentives ou malveillantes. Perdant sa science première populaire synonyme d'ouvriérisme ou prolétariat, il a glissé dans le sens d'électoralisme, clientélisme pour les opportunistes qu'ont envie d'aller se moucher dans les ors de la république… faut flatter le bon peuple… arfff… quelle bande de branques !
Aujourd'hui, le discours populiste mal embouché s'étale et prolifère, chaque jour nous apporte de dégoûtants débats superficiels. Ce qui doit s'ensuivre, s'ensuit : un homme orange libidineux, vulgaire, raciste et violent devient président des U.S.A… la suite au prochain épisode et pour qui c'est-y le prochain ?… c'est pour mon beau pays. Ils ne sont pas tout seuls dans la panade les ricains, nos riantes contrées européennes (pour n'évoquer que l'Occident) filent un mauvais coton. Les extrêmes droites ne se cachent plus et font des adeptes, quelques pays comme la Pologne ou la Hongrie ont déjà sombré.
En période électorale (mais ne sommes-nous pas tout le temps en période électorale ?) les gazettes et pécores de radio-télévision sont ravis ! Ça te chope de la p'tite phrase d'édile et glousse à l'envi, vend du vent et des quolibets en lieu et place d'analyses. Il semblerait que les réseaux dits sociaux ne soient pas en reste question montage en épingle et désinformation. Palais des courants d'air que sont ces machins internétiques qui attirent tous les trolls*, manipulateurs, extrémistes et autres saloperies de nuisibles. Néanmoins jeter l'opprobre sur les supports n'est pas justice. Si les comportements publics de nos élus étaient irréprochables, visionnaires… en un mot intelligents, les journaux et les réseaux suivraient le même penchant. Les irréductibles crétins rentreraient dans leurs trous nauséabonds ou mieux encore seraient circonscrits par la connaissance et l'entendement.
En France cette déliquescence n'est pas spontanée loin de là. Depuis 1983 et cette saleté de cagoulard de président parait-il socialiste qui nous imposât son "tournant de la rigueur" puis son "les armes vont parler" pour suivre les amerloques porter la désolation en Irak… oh le bon p'tit toutou… le citoyen se fait ratatiner tous les progrès sociaux engrangés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ce président, tout confis de lui-même qu'il fut, n'a pas été la seule amorce de la crise politique mondiale actuelle certes mais lui qui s'était auto-proclamé résistant aurait pu le prouver pour une fois.
Aujourd'hui, d'où qu'on se tourne il dispute et bagarre le populus d'Europe puis tombe sous la coupe de gouvernements pour le moins autoritaires. La marche de cycles immuables est évoquée par quelques penseurs de nos sociétés, pourquoi pas mais ça sent l'exonération de responsabilité : "ah ben c'est pas moi et pis d'abord j'étais pas tout seul et en pis en plus c'est une histoire de cycle alors hein les responsabilités… pfiou…". Certes les penseurs du vivre-ensemble n'ont pas facilement tribune, la science est fort discréditée par les scandales médico-pharmaceutiques et agro-industriels, les arts meurent sous le coup des faiseurs de cote, les religieux ont retrouvé une place indue dans la parole politique cependant que les banquiers et industriels trans-nationaux surnagent sur le dessus de ce panier de crabes dont ils tirent les ficelles, pas facile de lutter contre ce courant puant.
Ces quelques dernières années tant de perles furent enfilées fabricant tant de colliers d'abjection par nos dirigeants qu'il faut s'empresser d'en rire de peur d'avoir à en pleurer**. C'est ainsi malgré les oppositions populaires nombreuses (la loi travail pour la dernière en date) que le maillot de notre république se détricote, sa vieille laine se disperse et c'est le populus qui va se retrouver à poil. En passant un substantif a perdu son sens premier. 

Allez donc élire électeurs et électrices votre cher futur(e) président(e) ; admettons que votre petit bout de papier soit efficace, faites gaffe à ce qui est écrit dessus car au détour d'un article de presse de Mer et marine, j'ai retenu une phrase d'Hervé Guillou, président du groupe naval français DCNS (autrement dit armement naval de guerre)  : "Il faut continuer d’innover car sans supériorité technologique, on ne gagne pas la guerre. Or, notre terrain de jeu change avec une donnée nouvelle : l’accélération des ruptures technologiques. Etc." Euh… quelle guerre ? terrain de jeu ?… gaffe à tes miches petit populus.

23 novembre 2016 

 
* mot déjà évoqué par ici ; j'en tendance à penser qu'il est plus difficile aujourd'hui de poursuivre les trolls avec des moyens cybernétiques qu'en 2013 comme je l'évoquai dans ma conclusion.
** d'après une réplique de Figaro dans le Barbier de Séville de Caron de Beaumarchais, Figaro a "l'habitude du malheur"

 

edit du 3 juillet 2019 : un article qui cause du mot et de la chose sur le site  Le Vent Se Lève  par ici :   "le populisme en dix questions"