Comme je me plaignais à un mien collègue de ne pas savoir inviter ici un mot permettant d'évoquer des choses douces, calmes et voluptueuses, il me fit des propositions : député, Medef ……… pffff… on s'croit malin ! Il s'est reprit et m'a offert héros… Difficile à cerner pour moi et pas grand chose à voir avec l'actualité sauf à glisser vers le cinéma qui ressort les super-héros de la galaxie Marvel du placard mais je n'y connais rien en super-héros de comic books. En fin de compte comme troisième proposition c'est tombé sur électeur… le pauvre va-t-il s'en remettre ? Adieu douceur, calme et volupté… arf…

L'électeur d'aujourd'hui, pas celui du premier empire ou des obscures contrées teutonnes. L'électeur qui est régulièrement sifflé par le chef et sommé d'aller placer un p'tit papier dans l'urne, qu'est bien la seule à être transparente, puis s'en retourner au foyer sans plus s'occuper de rien surtout : dormez en paix bonnes gens le chef veille sur vous.

Aparté vite fait : le CNRTL m'explique qu'on peut employer ce mot pour désigner : "une personne qui fait partie de la clientèle d'un homme célèbre, qui se pose en fidèle admirateur de quelqu'un"… je l'apprend. L'exemple donné à l'appui est une saillie de Cocteau à l'encontre de Gide… rigolo.

Revenons à nos moutons, en l'occurrence l'électeur… grande tentation de le mêler aux  moutons bêlants  !

Electeur mon petit, t'es rien qu'une andouille ! Tu crois (ah les croyances…) avoir le choix, on te fourre ta télé avec la trogne de deux ou trois types qui te racontent qu'avec eux à la tête du patelin, on va voir c'qu'on va voir et toi tu t'y colles, tu vas faire ton "devoir de citoyen" qui te bouffe ton repos dominical bien mérité et puis voilà. Celui des deux-trois qu'aura décroché le polichinelle fera ce que bon lui semble pour sa petite crémerie personnelle, tu n'auras rien à dire, rien à vérifier ou contrôler. Tu penses avoir choisi et après tu la fermes, youpi.

Il n'y a pas si longtemps on a vu passer par la case justice des politicards condamnés (ou pas, ça dépend de leur degré de protection) pour des saloperies genre sévices sexuels, prévarication, abus de recel, emplois dissimulés ou fictifs, enrichissement personnel, compte en paradis fiscal, achat de votes ou encore faux témoignage à la barre d'un tribunal. Après avoir mijoté dans leur chez-eux quelques années d'inéligibilité, ils reviennent la gueule enfarinée implorer ta voix et toi bonne poire, tu la leur donnes… palsambleu qué couillon… ou alors serait-il possible que tu aies une mémoire de poisson rouge*, un gros manque de perspicacité… en bref, t'es pas à la hauteur de la tâche qui t'incombe.

Dernièrement, une bonne majorité des électeurs a préféré son repos dominical à son supposé devoir électoral. Il y avait pléthore de candidats, des tas de listes, un gratin bien plus garni que d'habitude mais non, décidément ça ne faisait pas envie cette vitrine de produits qui allaient du comique au rentier de situation en passant par les ratas les plus avariés. Décidément… envie de rien dans ce panel de solliciteurs.

L'absence de seuil minimum de suffrages exprimés pour que l'élection soit valide ajoutée au fait que seuls les doctrinaires ont mis leur papelard dans la boîte à vote, il en a résulté un effet arithmétique qui a foutu le schproum. L'extrême droite serait arrivée en tête avec des tas de millions de voix et que houlala c'est le premier parti de France et patati et patata. Non seulement la cheftaine éructe encore plus fort que d'habitude mais les médiacrates embrayent derrière à grand coup de débats blablateux interminables… minables tout court d'ailleurs. Tout le monde a foncé bille en tête, le parti "gagnant", radios, journaux, internet et probablement télés ; personne n'a fait le bête calcul niveau MatSup (maternelle supérieure) que la moitié des voix exprimées par moins de la moitié des inscrits sur les listes électorales, ça fait en gros du dix-pour-cent… pas de quoi batifoler en s'inventant premier parti de France. A ce train-là les staliniens qui se gobaient du vingt-pour-cent aux législatives de 1968 (avec vingt-pour-cent d'abstentions seulement à ce scrutin majoritaire uninominal et non proportionnel de liste) auraient dû être les rois du monde et casser la baraque ! Ils n'étaient pas moins dangereux que la cheftaine les staliniens mais ne faisaient pas déferler autant de vagues médiatiques à l'époque. De quelque bord pourri qu'elle émerge, une dictature est une dictature. Pour mémoire "dictature : régime politique dans lequel le pouvoir est entre les mains d'un seul homme ou d'un groupe restreint qui en use de manière discrétionnaire".

Pour minables qu'ils soient ces dix-pour-cent sont de trop, foutent la honte au pays des droits de l'homme qu'avait pas besoin de ça, l'est bien assez cabossé ! La Ve république se meurt mais quelle agonie… Faudrait abréger les souffrances…

Le jour suivant ce calamiteux scrutin la radio nationale, seul média généraliste que j'écoute un peu le matin, me tympanise de commentaires puis m'assène l'inévitable radio-trottoir :

"- je laisse la parole à Trucmuchette notre envoyée spéciale

- alors oui bonjour je suis à Trifouillis-les-oies et je vais interroger ce monsieur-là……alors vous, vous avez voté  cheftaine éructante, dites-nous pourquoi ?

- et ben… voilà… y en a marre…

- ah oui… et vous avez quel âge, vous travaillez ?

- et ben oui… euh … j'ai 31 ans, j'ai du boulot, moi ça va…

- alors pourquoi vous avez …

- ben… euh… c'est les étrangers là……… y en a trop…… ils ont tout… le RSA… tout ça…

- oui, ben bon… alors voilà, c'était Trucmuchette en direct de Trifouillis-les-oies, à vous les studios…"

Je n'en crois pas mes oreilles ! Alors je t'écris Enzo  - parce que tu t'appelles Enzo… c'est français Enzo monsieur le radio-trottoiré ?… hmmmmm… - mon petit Enzo, le RSA ça commence à 499 € si t'es seul et ça finit à 1248 € si tu te cloques une bonne femme et trois gosses… tu te vois vivre avec si peu ? Non hein alors, t'es jaloux ? Tu votes parti national-socialiste (dont je te rappelle si tu l'as oublié que son acronyme est "nazi") parce qu'il y a trop d'étrangers, mince alors… c'est tout ? T'as que ça comme programme ? Foutre les étrangers dehors ? Et puis tu vois Enzo, tu viens de dire une grosse bêtise et la cheftaine ne va pas te sourire parce qu'elle fait de gros efforts pour les dissimuler ses affinités nazies.

Si tu avais pris le temps de décrypter les harangues sur la préférence nationale, de chercher à savoir d'où provient la fortune bien cimentée du pater de la cheftaine et combien de dizaines de procès elle a perdu la famille contre les journaux et journalistes qui écrivent des vérités dérangeantes pour l'accession au trône, tu ne serais pas piégé… je veux dire que tu ne banderai pas avec les petits muscles de tes petits doigts le piège à mâchoires parce qu'il se refermera sur toi aussi candide Enzo.

Candide tu l'es tant. On te rabâche que c'est la faute aux étrangers si c'est la crise, la guerre, le déficit, le chômage, je-ne-sais quel autre discours à angoisser le quidam  alors toi tu cours tu fonces… ouais c'est ça, sales étrangers. Malcom Little, un type  plus connu sous le nom de Malcom X expliquait à son auditoire  : "si vous n'êtes pas vigilants les médias arriveront à vous faire détester les opprimés et aimer ceux qui les oppriment". Tu n'es pas vigilant Enzo. L'abêtissant sermon quotidien a planté son odieuse graine dans ta p'tite cervelle.

Je vais te faire une petite confidence Enzo : moi aussi je foutrais bien des étrangers dehors… ah ! Ça t'en bouche un coin ça, avoue ! Ne te réjouis pas trop vite, pas les mêmes que toi mon bonhomme… les milliardaires qatari qui achètent nos beaux hôtels et nos entreprises tout en soutenant des délinquants interlopes autrement qualifiés de terroristes, les dictateurs africains qui saignent leur peuple pour s'offrir de splendides demeures et rouler carrosse en toute impunité dans nos pays d'Europe…… ah bien sûr c'est du gibier plus difficile à pesquer qu'un pauvre hère qui, non content de galérer en France dans des boulots sous-payés ou des aides sociales étiques, doit se trimbaler un collier de tes crachats autour du cou.

Allez, je t'en fais une autre de confidence : j'en ai ras la couette des outrecuidants politicards, syndicats et autres associations lobbyistes. Leurs mensonges me sont exécrables comme tu ne peux même pas l'imaginer. Tout se pourri et se corrompt. Démocratie en carton-pâte et paradis fiscaux. Toutefois, dans ce dégoût profond que j'ai, je ne trouve aucune raison valable pour aller chercher dans une dictature solution à ces maux qui ont une origine et des responsables à combattre. Si tu considères qu'une dictature combat les oligarques, tu te goures dans les grandes largeurs, ils changent de nom c'est tout.

Tu n'es pas obligé de me croire, soit. Alors avant de faire ton choix, tu pouvais te renseigner utilement sur la gestion des municipalités copines avec la cheftaine histoire de comprendre ce qui se passerait à l'échelle nationale. Attrayante la gestion culturelle par exemple : bibliothèques surveillées, publications et films interdits, folklore obligatoire… banni l'étendage du linge dans une coquette petite ville du sud dont c'est une des identités le linge aux fenêtres, c'est… je veux dire c'était joli comme dans la chanson le linge aux fenêtres. Tu pouvais facilement savoir comment allaient être traités les journalistes qui ne sont pas dans les petits papiers de la cheftaine, elle l'a dit et redit… la liberté d'expression si malmenée déjà, va en prendre un coup (ça commence d'ailleurs, un chef de cabinet national-socialiste a déclaré aux journalistes campés sous son pif : "on va vous marcher dessus" tout en expliquant qu'il commencerait par leur interdire l'entrée des métingues de la cheftaine) et quand la liberté d'expression se fait la malle, tous les autres droits filent avec.

Mais non tu n'a rien analysé, tu obtempères et te rues sur l'étranger, toujours l'étranger, l'immigré assurément responsable de tous nos maux ; c'est lui qui interdit à la BCE de soutenir les budgets des états de l'union européenne, lui encore qui tire les ficelles à la commission, lui toujours qui souffle ce vent ultra-libéral au parlement. Il est fortiche ton étranger qui touche le RSA-tout-ça !

Faudrait pas que tu t'infliges une fracture du neurone surtout, que tu t'interroges sur nos politiques étrangères par exemple ou sur les délocalisations de production… peut-être que si tu te rencardais un peu bien, ça finirait par déranger tes minables petites certitudes et alors adieu le simplisme du p'tit papier glissé dans l'urne et ça deviendrait fatigant, tu te mettrais à réfléchir au lieu de gober du prêt-à-voter. Enzo, voilà ce que tu es, un qui ne veut surtout pas se fatiguer à penser, t'es un consommateur de dogme.

Et si tu traversais la rue ? Et si t'allais lui dire bonjour à l'étranger ? Ah ben non surtout pas ! Tu t'apercevrais que c'est un être humain… ça serait gênant ; à peu que tes neurones se prennent un strike** d'anthologie et que tu deviennes aimable et réfléchi !

Un dernier mot Enzo pour te raconter une petite histoire jolie : tu n'es pas sans connaitre la chanson, que dis-je le tube planétaire Happy de Pharrell Williams reprit en chœur par des centaines de gens partout dans le monde qui s'enregistrent avec plus ou moins de bonheur en vidéo selon la mode qui trotte. De jeunes iraniens et iraniennes s'y sont mis : musique pop, visages dévoilés, cheveux libres, maquillage et fringues folâtres, garçons et filles mélangés se tortillent en cadence sur le toit d'un immeuble de Téhéran. C'est jeune, joyeux et interdit en Iran de prendre un peu de simple bon temps. S'ils se font choper par leur police politique et s'ils ont du bol ils encourent le cachot à vie après une parodie de procès, la peine de mort si c'est pas leur jour de chance… lapidation pour les filles, pendaison pour les garçons. Voilà, c'est ça aussi une dictature.

29 mai 2014

*   mes plus plates excuses aux poissons rouges qui ne méritent pas tant de mépris

** au bowling un strike consiste à faire tomber les dix quilles avec la première boule lancée

 

 

 

D'après l'étymologie, l'architecte est : une personne ou entité qui élabore. Je glisse sur le grand architecte des égyptiens dont les francs-macs s'inspirent, l'animal adroit ou encore les utilisations imagées du mot sans objet là tout de suite.

L'architecte de ce jour est censé être : une personne diplômée, capable de tracer le plan d'un édifice et d'en diriger l'exécution d'après mon gros Petit Robert. C'est bizarre comme ça ne saute pas aux yeux quand on voit s'élever les constructions diverses dans nos alentours !

Du lotissement qui n'est qu'un entassement de semblables rectangles entourés de rubans d'herbe triste pompeusement nommée gazon avec pour les plus cossus une option parking, garage ou encore, soyons fous, barbecue… œuvre d'architecte.

De l'immeuble plus ou moins large et haut selon la surface de terrain à dévaster, un semblant de parc sous la forme de pauvres arbustes anémiques, des parkings pour les plus chics… œuvre d'architecte.

Du massacre orchestré de célèbres immeubles citadins malencontreusement tombés dans les paluches de quelque spéculateur inculte… œuvre d'architecte.

De lieux dévots modernes, tout béton bien apparent bien gris bien triste bien vieillissant presque avant que de naître… œuvre d'architecte.

Des exemples, chacun en trouve à foison. Ils élaborent les architectes ? Ah… 

Et quand ils se mêlent de vouloir redonner vie à une maison abandonnée, c'est la caguade assurée.

Il était une fois une petite maison bien simple dans un grand parc, l'ensemble appartenait à une baronne qu'a un nom comme un trombone* qui décida de refiler le tout à la commune  sous condition que la propriété serve les arts. Dans un premier temps le parc fut ouvert aux badauds, j'en ai profité en allant assister à un mini-festival bien sympathique qui y était organisé. Mis à part mon légendaire franc-parler, j'avais passé un chouette après-midi et je m'étais promis de refaire la route pour photographier cette propriété dans un moment plus serein. Oh certes, ça n'était pas une splendide demeure tout en dorures et stucs ni même des encorbellements, des audaces sculpturales… non, un simple rectangle à un étage mais une petite rotonde surmontée d'un balcon à balustrade, une entrée dérobée affublée des restes rouillés d'une tonnelle ou d'un auvent je ne sais, des arbres et arbustes plantés tout près assez pour faire la conversation aux volets clos. Dans le parc une demi-serre ou un vestiaire peut-être, des arbres magnifiques. Ce n'est pas tant la bâtisse ceinte de tous ces ingrédients surannés qui ravissait mais l'atmosphère que l'ensemble dégageait. J'avais entrevu l'intérieur délabré aux papiers peints authentiques gondolés, escaliers grinçants et portes-vitre qui n'ont plus cours depuis un siècle……… Mais pourquoi donc n'y suis-je pas retournée avant le passage des architectes !

Il ne me reste que mon souvenir et deux pauvres clichés :

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Le temps a passé, d'autres préoccupations m'ont accaparées mais voilà-t-il pas que l'endroit se rappelle à mon bon souvenir. Une exposition est organisée dans la maison charmante et pas n'importe quoi comme exposition ! Soixante photos tirées de la "valise mexicaine"………  alors là pas une minute à perdre je fonce !

J'avais ouïe-dire que ce lieu avait été aménagé selon le souhait de la baronne. Dans ma tête de bête goupil, aménager n'est pas assassiner. Quelle déconvenue lorsqu'après avoir cheminé dans le parc heureusement intact et même un peu nettoyé, je débouche sur une façade blanche trouée de tas de fenêtres à huisserie d'aluminium sombre, d'une porte revêche et d'un garde-corps minable au dessus de la rotonde.

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L'herbe est bien tondue, c'est tout net et propre, l'âme du coin a dû s'effrayer… c'est d'un banal achevé, zutre…

Et la porte dérobée, voyons voir ce qu'elle est devenue…

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Ah oui quand même…… bon… ben… voyons voir du côté du vieil escalier de la terrasse…

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Arf… les mêmes embrasures que partout, les mêmes couleurs fades, des lumignons grossiers et comme de bien entendu la caméra de surveillance à l'angle qui darde son énorme œil torve sur tout ce qui passe ; que peut-elle moucharder d'autre que des gamins criards et galopants, des vieux à canne se trainant ou des amoureux concentrés sur l'art du bécot, je me demande.

Cette maison pourrait être n'importe où maintenant : perdus son caractère et le bout d'âme qui lui restaient malgré l'abandon. Uniformisation et fadeur.

On peut toujours m'objecter les consignes de sécurité, le besoin d'y voir clair à travers de grandes vitres, la nécessité d'entasser le plus de monde possible, le coût aussi ; le coût, tiens parlons-en ! Nos sous partent chez un avionneur milliardaire ou pour renflouer des banques pourries, ils ne peuvent pas servir à la beauté de nos entourages évidemment.

L'intérieur est absolument parfait, j'ai l'impression d'être dans un super-machin de "consommation culturelle", celui de Strasbourg ou de Toulouse, peu importe, ils sont tous agencés sur le même mode. C'est froid, bétonneux, les escaliers ont-ils été récupéré dans une moche usine ?

Question sécurité, toutes les portes sont verrouillées pour éviter la resquille. Les grandes fenêtres n'éclairent rien, bien le rebours : la vive luminosité lutte contre les éclairages électriques… et oui, on est dans le sud ! Quelle déveine, il y a du soleil.   Le moins que je puisse constater c'est que ça ne met pas en valeur la présentation des photos tout ça.

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Et c'est bien dommage, la commission d'exposition a fait du bon boulot : les soixante photos sont pertinemment choisies et bien éditées. Le travail de muséographie est soigné et explicite.

Au final dans la rotonde, on peut regarder des photos réalisées avant et pendant les travaux de "rénovation" ; je râle d'autant plus de ne pas avoir forcé le passage à ma première visite ; les cheminées, papiers peints et parquets, je ne les ai vus vraiment que sur papier… c'était beau…tant pis.

Peu de temps après, je cours visiter le vieux père Corot qui fait étape. Le musée de la petite ville ordinaire qui accueille cet illustre peintre a fait face pendant des lustres à un jardin rococo tout en taillis et allées malcommodes, bassin à canards option fontaine toujours en panne et bancs médiocres où se poser au frais sous les hautes futaies. Force est de reconnaitre qu'il était vraiment vieillot ce jardin mais deux gros hectares de verdure en ville, c'est toujours bon à prendre. Lieu de rendez-vous, de badauderie et terminus des manifs parfois.

Et voici ce qu'il en advint :

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En plein après-midi, il était grouillant de vie le jardin : les mémés nourrissaient les pigeons obèses, les papys se chauffaient la carcasse, les amoureux… bah comme d'habitude… plus quelques clodos qui pouvaient se protéger du vent souvent pénible dans le quartier en taxant des clopes aux passants.

Aujourd'hui à quatre heures de l'après-midi, le maigre monde se hâte de traverser ce désert venté brûlant ou glacial selon les caprices du temps.

A quoi ça pense un architecte quand ça transforme un jardin en factice désert sale ?

L'avantage de cette place qui n'en n'est même pas une c'est que les keufs peuvent charger les manifestants sans se prendre l'armure dans quelque traitre veille pierre… arf, le Haussmann du pauvre quoi !

 

Oh bien sûr on peut encore m'objecter que des constructions contemporaines sont magnifiques, que des immeubles grattent le ciel avec la dernière élégance, c'est vrai et j'aime beaucoup quelques réalisations emblématiques. C'est là qu'est le soucis, elles sont emblématiques ; de plus leurs propriétaires jouent à qui c'est qu'a la plus grosse, un brin puéril.

Pour le commun, des boîtes à bureaux poussent à l'orée des villes, des boîtes à vitres. De bien pâles et vilaines copies de ce que W. Gropius a pu dessiner et réaliser au temps de la splendeur du Bauhaus.

Là n'est pas encore le pire ! Le pompon de l'horreur architecturale revient incontestablement à ces immenses centres commerciaux en tôle ondulée et leur cortège de panneaux publicitaires triviaux … je me prends à rêver d'ouragans mahousses, de vortex gigantesques qui feraient le ménage de ces méprisables complexes qui défigurent affreusement les alentours citadins…… je rêve……

 

Comment faire de nos vies des œuvres d'art si nous baignons contraints dans le vulgaire, le laid, le vil ?

20 mai 2014

* piqué dans la chanson de Boris Vian "j'suis snob"

 

 

 

C'est bien le jour tiens ! 1er mai, fête des travailleurs qui ne se rendent pas compte que s'il n'y avait pas à travailler, ça serait fête tous les jours. Commémoration de luttes un peu trop oubliées déjà évoquées par là.

Fainéant, c'est facile à piger : qui fait néant, queudalle, nada, nib… ah mon rêve absolu ! Qu'on peut écrire plus populaire : feignant déclinable en un feignasse de bon aloi, un adjectif tout-à-fait digne et créateur. Si Newton n'avait pas fainéanté sous son pommier, hein… si Archimède ne se l'était pas coulée douce dans son baquet, alors… Si Galilée le soir tombé n'avait pas bayé aux corneilles à sa fenêtre, et bien…

La fainéantise est un art hautement civilisé pratiqué par le fainéant. Art si conséquent qu'il possède un pacson de synonymes en bon français bien propret et en argot : paresseux, cossard, tire-au-flan, branleur, flemmard, oisif, propre à rien, tire-au-cul, cagnard……

"La vie est courte. Le travail est pour ceux qui ne la comprendront jamais. La fainéantise ne dégrade pas l'homme. À qui voit juste, elle diffère de la paresse."  Oh mais que c'est futé ! La fainéantise diffère de la paresse, ça c'est une notion qu'elle est bonne si on y réfléchit un peu… en feignantant. C'est René Maran qui a écrit cette intelligente phrase dans son bouquin "Batouala" couronné par le prix Goncourt en 1921…… nan j'la ramène pas ma science, je viens de le découvrir cet écrivain en farfouillant à la recherche de pensées autour de la fainéantise. C'est la phrase la plus habile que j'ai trouvée et puis ce Maran doit être quelque peu recommandable, un copain à Eboué ou Césaire ne peut pas être complètement mauvais.

Question valeurs sûres, on peut toujours se reporter à Paul Lafargue et son "le droit à la paresse : réfutation du droit au travail" ça commence comme ça :

"Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traine à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture."

Après ça se gâte un peu, enfin je veux dire que ça a vachement vieilli. Proposer la journée de trois heures en 1880… quand même ça décoiffe !

"… quiconque donne son travail pour de l'argent se vend lui-même et se met au rang des esclaves." qu'il a dit Cicéron…  et toc !

On a beau dire et beau savoir, on doit y aller au turbin, au taf, au trimard, au boulot, au chagrin, au tapin, se vendre comme esclave… et zutre, faudrait quand même s'y mettre un jour à la fainéantise novatrice, celle qui entraverait le travail bien comme il faut et sans rémission.

C'est un art que je ne possède pas la fainéantise, je me le reproche assez mais pas moyen ;  quels efforts me coûtent quelques minutes d'oisiveté ! C'est peut-être pour ça que j'admire le fainéant, on est avide de ce qu'on ne sait pas accomplir.

Je laisse la note de fin à une chanson de Coluche :

A toi l'enfant qui vient de naître
je dois dire pour être honnête
Que c'est pas en travaillant
Qu'on trouve le bonheur sur Terre
J'en veux l'exemple que mon père
Qui vit l'jour de son enterr'ment
Qu'il était l'plus riche du cim'tière

 

Sois fainéant sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant
L'avenir t'attend

 

Plutôt que d'apprendre à l'école
Baise et collectionne les véroles
La méd'cine fait quelques progrès
Tandis qu'à gagner du bagage
Tu n'aboutis qu'au chômage
Où déjà sont entassés
Ceux qu'ont cru en la société

 

Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant
L'avenir t'attend

 

Moins tu en fais, plus tu l'espères
Plus ta santé déjà précaire
Te libère de ses tourments
Gagner ta vie ne vaut pas l'coup
Attendu que tu l'as déjà
Le boulot y en a pas beaucoup
Faut le laisser à ceux qui aiment ça

 

Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant,
L'avenir t'attend

 

Si jamais tu voles un copain
Tu en auras moins de chagrin
Que si tu n'as pas à manger
Et si t'as la main sur le cœur
N'hésite pas à la couper
Tu entendras moins les moqueurs
Si c'est toi qui les a roulés

 

Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant.
L'avenir t'attend

 

Si jamais tu voles un couillon
Qui t'envoie tout droit en prison
Dis-toi qu'il est plus mal logé
Car pour payer ta pitance
Tandis que tu f'ras pénitence
Lui qu'est si fier de t'enfermer
Faudra encore qu'il aille bosser

 

Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant,
L'avenir t'attend

 

Voilà c'était mon héritage
Comme tu vois j'ai fait mes bagages
Je te laisse avec ta môman
Tu perds rien, j'ai pas l'gros lot
Et tant pis pour toi si je triche
Tu s'ras p't'être un enfant d'salaud
Mais tu s'ras pas un fils de riche

 

Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant,
L'avenir t'attend

1 mai 2014